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L'avers et le revers

L'avers et le revers

Titel: L'avers et le revers
Autoren: Olivier Merle
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murs
lisses et froids du couloir, où aucune gravure ni rien de plaisant n’était
accroché, dégageaient une impression tant inquiétante et malsaine qu’elle
n’incitait guère à s’attarder. Or donc, mon maître, n’hésitant pas plus avant,
tourna la poignée de l’ultime porte qui barrait le couloir et nous passâmes de
l’autre côté.
    Si surprise il y eut, elle fut double et des deux parties.
Devant nous, au centre d’une vaste pièce, assises sur les bancs d’une grande
table, une vingtaine de garces à la repue de midi, cuillères en mains et
bouches pleines, tournèrent vers nous, et dans un bel ensemble, des visages esbahis,
toutes conversations cessant incontinent. La plupart de ces garces n’étaient
plus très jeunes, faces dures et vulgaires, cheveux gris mal peignés, mais les
vêtures indiquaient plus de pécune, robes propres et soignées, taillées et
assemblées par couturières qui connaissaient leur ouvrage. Il n’y avait pas
doutance à conclure, nous avions donné du bec, un peu à l’étourdie, dans le
creux du nid des maquerelles, toutes réunies céans au réfectoire, ou peu s’en
fallait sans doute, pour cette repue de mi-journée.
    Elles ne restèrent point un long temps à nous considérer de
la sorte, les yeux ronds et incrédules devant l’apparition de deux jeunes
drôles aux plaisants minois et d’un monstre de géant qui dut casser buste et
plier jambes afin que de franchir la porte du réfectoire. Telle une ruche en
laquelle on vient de donner du pied, toutes se levèrent en un grand brouhaha,
levant les bras et se groupant à l’extrémité de la table. Au milieu de cette
cohue, une garce, tant laide qu’elle aurait fait fuir le Diable lui-même, éleva
la voix à notre adresse :
    — D’où sortez-vous et que faites-vous céans
asteure ?
    Et cette question imposa le silence à toutes, qui nous
dévisagèrent avec un air belliqueux et revêche, comme si elles se retenaient un
ultime instant – le temps de la réponse – avant que de se jeter sur
nous et de nous tailler des croupières.
    — Mesdames, répondit mon maître sur un ton de gausserie
et s’inclinant profondément comme s’il avait affaire à de nobles dames –
et il eut tort, car il ne faut jamais sous-estimer un adversaire –, nous
ne sortons point de votre cave pour nous joindre à votre repue, et moins encore
pour goûter à la charmante marchandise que vous dissimulez en ces lieux. Non
point ! Si vous nous voyez interrompre votre office d’une si grossière et
intempestive façon, c’est que nous avons mission de vous reprendre une garce
qui est nôtre et que vous séquestrez !
    Le tumulte reprit de plus belle mais la chef maquerelle leva
la main pour le faire cesser.
    — Toutes nos garces sont ici de leur gré plein et
entier, dit-elle du ton le plus roide. Je suis l’honnête tenancière du meilleur
bordeau de la cité, nul n’ignore mon activité, et je me plaindrai de ces
accusations auprès de personnes qui ont bras bien plus long que vous, jeune
péremptoire ! Et maintenant, il suffit de ces insolences, délogez de la
place ou nous vous sortons nous-mêmes par force !
    — Par force ? s’écria mon maître qui s’étonnait de
tant de résistance.
    — Et quoi de plus simple ! répondit la chef
maquerelle. Cuidez-vous donc être les premiers à tenter grabuge, et que du
rustre aviné au soudard sans solde nous n’ayons eu jà à maintenir ordre et
règle en cette maison. Délogez, et sans tarder, ou il vous en cuira !
    — Nenni ! reprit mon maître, nous ne délogerons
point tant que notre affaire ne sera pas conclue telle que je vous l’ai contée.
Il nous faut cette garce et nous l’aurons !
    Sur un geste de leur patronne, ces belliqueuses maquerelles
qui n’attendaient pour cela que l’issue de la querelle, se précipitèrent sur
nous telle une nuée de guêpes, et je dois avouer, sans honte aucune, que nous
aurions bien vite succombé sous le nombre, si mon maître n’avait tout de gob
tiré son épée, et se collant contre le mur, moi à son côté, piquant en avant de
l’épée, les empêcha de la sorte de nous atteindre. Ce que voyant, elles se
retournèrent sur Jonas qui n’avait mie eu le temps de tirer son arc et
d’encocher une flèche, et l’assaillirent toutes ensemble, tentant de le
renverser sur le sol et de l’assommer à l’aide de tout ce qui leur tombait sous
la main, écuelles, marmites, chaises ou balais.
    Le pauvre Jonas,
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