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L'avers et le revers

L'avers et le revers

Titel: L'avers et le revers
Autoren: Olivier Merle
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tout tordu sur le sol.
    Sur quoi, le commis voulut fuir, mais comme les portes de
l’ancien cimetière se trouvaient derrière nous, il lui fallait passer au milieu
de notre groupe, ce qu’il fit, à toutes jambes, comptant sur le remuement de
toutes ces meurtreries pour s’échapper. Jonas, cependant, le chopa par
l’épaule, et comme le commis, voulant se dégager, lui envoya un méchant coup de
pied au tibia qui aurait plié n’importe qui de douleur, mais pas Jonas,
celui-ci lui balança son poing qui, telle une tant lourde massue, s’écrasa en
plein milieu de sa figure. Il y eut un craquement, et je crois bien qu’il lui
cassa le nez, le commis basculant en arrière, les pieds contremont, le sang lui
giclant des narines.
    Combien de temps tout ceci dura-t-il ? Si peu,
assurément, que Samson n’eut pas le loisir de branler d’un pouce, restant
droit, son regard angélique assistant avec effroi à toutes ces horreurs, et
seulement sa main, à la parfin, s’était-elle posée sur le pommeau de son épée,
mais sans qu’il eût pris encore la décision de la tirer.
    Le bilan de tous ces forcenés navrements n’était pas pour
plaire, car à ceux dont nous espérions qu’ils nous renseigneraient sur
Margot – Cocquelain et son complice – il n’y avait plus de questions
à poser, et au drapier non plus, s’il en connaissait la réponse. Lors il
restait le commis qui geignait, le visage tout barbouillé de sang, assis sur le
derrière, tel un gros bébé qui a chu de son berceau.
    Mon maître s’accroupit à son côté, tira sa dague et la lui
plaça sur la gorge, l’envisageant sans pitié.
    — Maraud, je fais ici serment que tu diras tout ce que
tu sais ou que jamais tu ne te relèveras de ce cimetière !
    À ces mots, le commis, ouvrant grands des yeux de terreur,
supplia qu’on le laissât en vie.
    — J’en fais aussi serment si tu parles ! répondit
mon maître.
    Lors l’homme jura qu’il dirait tout ce qu’il savait, et je
m’apense qu’il aurait même inventé bien au-delà, tant la peur de mourir délie
les langues, et rend fidèle serviteur le plus coquin des coquins.
    — Cause ! Ton maître drapier vendait des garces à
ce Cocquelain ?
    — Oui-da.
    — Contre clicaille ?
    — Oui, Cocquelain exigeait des garces mais il en
donnait une commission.
    — À toi pareillement ?
    — Oui, mais si misérable que je ne sais pourquoi
j’obéissais. Il n’y avait pas là pour moi à trouver fortune…
    — Et Cocquelain, que faisait-il de ces garces ?
    — Il les revendait lui-même. Bien cher, je cuide, car
la marchandise que nous levions était bonne souvent…
    D’un revers de main, mon maître gifla le commis avec tant de
violence que celui-ci poussa un strident cri de douleur, se peut aussi que son
nez cassé fut bien secoué dans le soufflet.
    — Et à qui Cocquelain revendait-il sa
marchandise ?
    — Au couvent des Sœurs de la Charité.
    — Eh quoi, maraud ! Tu te gausses ?
    — Que non point, Moussu, les sœurs n’y sont plus depuis
quelques années, le bâtiment étant par trop ruiné, et n’est plus en usance par
l’Église.
    — Lors quoi ! Qui s’y trouve asteure et que
fait-on des garces ?
    — C’est un bordeau, Moussu… répondit le commis en
baissant la voix.
    — Un bordeau… répéta mon maître, et il s’accoisa tout à
plein.
    Ainsi, c’est par la bouche de ce faquin de commis que nous
apprîmes la vraie destination de Margot, condamnée à devenir fille de joie,
possédée par tous à longueur de jour, engrossée mille fois, et par infectes
maladies menacée en sa santé et en son existence. J’en fus un temps brisé, tant
le pâtiment dont Margot avait dû à souffrir me paraissait incurable,
inconsolable et désespéré.
    Et je cuide que, maugré les années qui passent et qui sont
tel un onguent à toutes les plaies de la vie, ou presque, j’en veux encore à
mon maître de la question qu’il posa alors au commis :
    — Et la marchandise, comme tu l’appelles, vous y
goûtiez avant que de la remettre à Cocquelain ?
    Le commis point ne répondit, mais à ses yeux fuyants et son
regard apeuré, il n’y eut pour moi, comme pour mon maître et Jonas, nulle
doutance sur la réalité de la chose. C’est par un fol instinct plus fort que la
raison que je sortis mon cotel et marchai sus à cet homme à terre, mais Jonas
me saisit par le bras, me bloqua, lors mon maître, se retournant, m’aperçut
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