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L'avers et le revers

L'avers et le revers

Titel: L'avers et le revers
Autoren: Olivier Merle
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et
sourcilla.
    — Miroul, me dit-il, j’interdis ici toute autre
meurtrerie, quand bien même le maraud que voilà la mériterait !
    Il fit bien, assurément, car cet infâme commis, je l’aurais
occis, sans autre forme de procès, et de cet unique meurtre de mon existence,
hormis ceux où ma vie et celle de mes maîtres étaient à défendre, j’aurais
conservé une indélébile souillure à mon âme, et au terme de son chemin n’avons
point nécessité d’un tel fardeau au moment de rendre des comptes à Dieu.
    — Et qui dirige ce bordeau ? reprit mon maître.
    — D’autres garces, Moussu, qui font commerce de leurs
sœurs, qu’elles emprisonnent.
    — Les infâmes ! Et où trouve-t-on ce
bordeau ?
    — Avant de franchir les portes de la ville, en
direction de Cahors. C’est une grande bâtisse, elle ne se peut manquer.
    Mon maître rentra sa dague en son fourreau, se redressa, et
je crus qu’il allait se détourner du commis, mais il y revint tout soudain
comme si de tous ces nœuds il voulait aussi en éclaircir de moindre importance.
    — Dis-moi, pourquoi être allé à ce rendez-vous après
notre visite ?
    — Maître Delacombe jugeait que si nous y manquions,
Cocquelain se rendrait en sa boutique, et que nous serions bien en peine
d’expliquer notre absence au rendez-vous.
    — Exact. Lors que là ?
    — Que nous en passerions par toutes ses exigences, sans
barguigner, avec l’idée de filer de la ville ensuite.
    — Il eût mieux fait, à la vérité, de ne point s’y rendre.
La vie lui en a coûté… conclut mon maître d’un air sombre, car il ne se peut
qu’il avait jà compris sa triste part en la fin du drapier.
    Tournant le dos au commis et nous envisageant tous trois,
mon maître eut un geste d’impatience :
    — Jonas, relève ce porc ! Samson, tire ton
épée !
    — Que je tire mon épée ? répéta Samson tout esbahi
et du ton et de l’ordre.
    — Oui, tu la tires, tu la gardes en main, et tu conduis
ce commis à la face ensanglantée chez M. de La Porte. Là, tu le
remets aux archers du guet, et tu expliques au lieutenant-criminel notre
aventure. Et…
    Mon maître s’accoisa, comme s’il hésitait à dire la suite.
    — Et, mon frère ? demanda Samson.
    — Et tu lui fais savoir que nous sommes au bordeau de
l’ancien couvent, que tous doivent connaître en cette ville, pour délivrer la
Margot, si elle s’y trouve encore, et si elle est toujours en vie !
    Jonas avait soulevé de terre le commis en le prenant sous
les épaules et l’avait posé sur le sol, comme on le fait d’un enfantelet qu’on
relève d’une chute, et pourtant, lecteur, je vous assure que le maraud devait
peser le double de mon poids, si ce n’est le triple, tant gros et lourd il
paraissait. Puis, Jonas lui lia les mains dans le dos avec des lambeaux de la
chemise du sieur Delacombe, pour ce que celui-ci n’en avait plus besoin et
parce qu’elle était de qualité, soyeuse et résistante.
    — Samson, je te le confie, ajouta mon maître en lui
désignant le commis, qu’il arrive à bon port et que M. de La Porte
dépêche au couvent des renforts, voilà toute ta mission. Et garde-toi des
ruses, même si en cet état, nez cassé et poings liés, le maraud ne peut guère
nuire. Quant à nous, dit-il en posant son bleu regard sur Jonas et moi, il nous
faut tirer au plus vite en ce couvent !
    Au pas de course, il fallut redescendre par la rue de La
Fleur de lys, puis poursuivre en même direction dans un dédale de ruelles,
et piquer au sud en la principale artère, jusqu’aux portes de la ville que nous
atteignîmes en un petit quart d’heure. Le commis n’avait pas menti, sur ce point
du moins, car l’ancien couvent ne se pouvait manquer, étant une grande et
imposante bâtisse, rectangulaire et sans grâce, avec de petites fenêtres toutes
grillagées et une porte basse munie d’un solide judas. Que ma Margot puisse se
trouver en un tel sinistre endroit me poignait le cœur et j’eusse incontinent
défoncé la porte si elle ne paraissait point tant épaisse !
    — Miroul, me demanda mon maître qui n’en avait mie
l’expérience, pour entrer en bordeau, que doit-on faire ?
    — On cogne à l’huis, Moussu Pierre, et on fait
connaître son intention.
    — Et il n’y a ni enseigne, ni mot du guet ?
    — Nenni, Moussu Pierre, c’est comme à l’église, ouvert
à tous, sauf qu’il faut avoir clicaille en bourse, car garce n’est pas
gratuite,
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