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L'arc de triomphe

L'arc de triomphe

Titel: L'arc de triomphe
Autoren: E.M. Remarque
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dans un hôtel de réfugiés, et ces choses-là arrivent tous les jours. Vous pouvez prendre le lit, je coucherai sur le canapé. J’en ai l’habitude.
    –  Non, non… je préfère rester là. Laissez-moi simplement m’asseoir ici un instant. C’est tout ce que je demande.
    –  Comme vous voudrez. »
    Ravic enleva son pardessus et l’accrocha. Ensuite il tira du lit une couverture et un oreiller et poussa une chaise contre le canapé. Il prit un peignoir dans la salle de bain et le posa sur la chaise.
    « Voilà tout ce que je peux vous offrir. Vous pouvez aussi avoir un pyjama, il y en a dans ce tiroir. Vous pouvez disposer de la salle de bain. J’ai encore à faire ici. »
    La femme secoua la tête.
    Ravic s’arrêta devant elle.
    « Il faut enlever votre imperméable, dit-il. Il est trempé. Et donnez-moi aussi ce béret. »
    Elle le lui tendit. Il plaça l’oreiller au coin du canapé.
    « C’est pour votre tête. La chaise vous empêchera de tomber si vous vous endormez. Vos chaussures, maintenant. Mouillées, naturellement. Excellent moyen d’attraper un rhume ! »
    Il lui retira ses chaussures, tira du tiroir d’épaisses chaussettes de laine et les lui enfila.
    « Là, ça va mieux. Rien de tel que le confort dans les moments critiques. C’est une vieille maxime de soldat.
    –  Merci, dit la femme. Merci. »
    Ravic alla dans la salle de bain et ouvrit le robinet. Il dénoua sa cravate et se regarda machinalement dans la glace. Des yeux ardents, profondément enfoncés dans leurs orbites ; un visage émacié, tiré par la fatigue, que le regard seul rendait vivant. Des lèvres trop molles pour le sillon qui se creusait entre le nez et la bouche. Au-dessus de l’œil droit, une longue cicatrice allait se perdre dans la chevelure.
    La sonnerie du téléphone retentit. Zut ! Durant un instant il avait tout oublié. Il connaissait ces moments de complète évasion. Il se rappela soudain la femme qui était dans sa chambre.
    « J’arrive, cria-t-il. Vous avez été effrayée ? »
    Il prit l’appareil.
    « Allô ! Oui… Comment ?… Oui… Oui, naturellement. Où ?… C’est entendu, j’arrive immédiatement… C’est-cela, du café fort très chaud… Très bien, à tout de suite. »
    Il raccrocha lentement et demeura une minute assis sur le bras du canapé.
    « Il faut que je sorte, dit-il. C’est urgent. »
    La femme se leva aussitôt, vacilla et dut s’appuyer au dossier de la chaise. Ravic fut touché de son empressement.
    « Restez ici. Dormez. J’en ai pour une heure ou deux, je ne sais pas au juste. Mais restez là. »
    Il enfila son pardessus. Une pensée lui vint, mais il ne s’y arrêta pas : la femme ne volerait pas ; ce n’était pas le genre ; il en était sûr. Du reste, pour ce qu’il y avait à voler ! Il était déjà à la porte, quand la femme lui demanda :
    « Puis-je vous accompagner ?
    –  Non, c’est impossible. Restez ici. Faites comme chez-vous ; installez-vous sur le lit si vous voulez. Il y a une bouteille de cognac sur l’étagère. Dormez. »
    Il ouvrit la porte.
    « N’éteignez pas ! » implora-t-elle vivement.
    Ravic se retourna, la main sur la poignée.
    « Vous avez peur ? »
    Elle fit signe que oui. Il lui montra la clef.
    « Enfermez-vous quand je serai sorti, mais retirez la clef de la serrure. Il y en a une autre en bas, dont je me servirai pour rentrer. »
    Elle secoua la tête.
    « Ce n’est pas cela. Laissez la lampe allumée, je vous en prie.
    –  Je comprends. Je n’avais, du reste, pas l’intention d’éteindre. Gardez la lumière. Je connais ça. Je suis passé par des périodes pareilles. »
    Au coin de la rue des Acacias, il trouva un taxi.
    « Conduisez-moi rue Lauriston. Vite ! »
    Le chauffeur prit l’avenue Carnot, puis la rue Anatole-de-La-Forge. Au moment où il traversait l’avenue de la Grande-Armée, un petit cabriolet se lança sur eux, venant de la droite. Sans le pavé glissant, la collision eût été inévitable. Par un coup de frein brutal, le cabriolet dérapa jusqu’au milieu de l’avenue, rasa le radiateur du taxi et pirouetta sur lui-même. C’était une petite Renault conduite par un homme qui portait des lunettes fumées et un chapeau melon. À chaque tour on entrevoyait son visage pâle et exaspéré. La Renault s’arrêta enfin au bout de l’avenue devant l’Arc… Étrange petit insecte vert, d’où sortait un poing brandi furieusement vers le
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