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L'arc de triomphe

L'arc de triomphe

Titel: L'arc de triomphe
Autoren: E.M. Remarque
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chercha des allumettes dans sa poche. Il en restait deux dans la boîte. Il se pencha avec précaution et fit un écran de ses mains pour protéger la flamme contre la brise qui montait du fleuve.
    « Donnez-moi une cigarette, dit la femme d’une voix sans timbre.
    –  Des algériennes. Le tabac noir de la Légion. Probablement trop fortes pour vous… Mais je n’en ai pas d’autres. »
    La femme secoua la tête et prit une cigarette. Ravic lui donna du feu. Elle se mit à tirer des bouffées rapides, aspirant profondément la fumée. Ravic lança l’allumette par-dessus le parapet : elle tomba dans l’obscurité comme une minuscule étoile filante, et ne s’éteignit qu’au contact de l’eau.
    Un taxi passa sur le pont au ralenti. Le chauffeur freina. Il les regarda un moment, attendit, puis appuya sur l’accélérateur. Il disparut dans la direction de l’avenue George-V dont l’asphalte était humide et luisant.
    Ravic, soudain, se sentit las. Il avait travaillé toute la journée et, la nuit venue, n’avait pu trouver le sommeil. Il était ressorti pour prendre un verre. Et voici que, dans l’humidité froide de la nuit, la fatigue s’abattait sur lui de tout son poids.
    Il observa la femme. Pourquoi donc l’avait-il arrêtée ? Quelque chose la troublait ; c’était évident. Mais après tout, que lui importait ? En avait-il vu des femmes en détresse, le soir, à Paris ! L’incident perdait, maintenant, tout intérêt. Il n’avait qu’une pensée : rentrer chez lui, dormir quelques heures.
    « Retournez chez-vous, dit-il. Que faites-vous dans la rue à cette heure ? Vous allez vous attirer des ennuis. »
    Il releva le col de son pardessus, prêt à s’en aller. La femme le regarda comme si elle n’avait pas compris.
    « Chez moi ? » répéta-t-elle.
    Ravic haussa les épaules.
    « Oui, chez-vous, dans votre appartement, à l’hôtel, je ne sais pas, n’importe ! Vous ne voulez pas vous faire ramasser par la police ?
    –  Mon Dieu ! À l’hôtel ! » dit la femme angoissée.
    Ravic pensa : « Encore une qui ne sait pas où aller. » Il aurait dû le prévoir. N’était-ce pas toujours la même histoire ? Le soir, elles ne savent où aller ; le lendemain, elles ont disparu avant que vous ne soyez réveillé. Le matin, elles savent où aller, ayant comme oublié ce désespoir que la nuit apporte et que l’aube dissipe. Il jeta sa cigarette. Il l’avait connu, ce désespoir ; il l’avait connu au point d’en avoir la nausée !
    « Venez, allons prendre un verre », dit-il.
    C’était la seule chose à faire. L’addition payée, il s’en irait, la laissant ensuite se débrouiller.
    La femme fit un-pas et chancela. Ravic lui saisit le bras.
    « Fatiguée ? demanda-t-il.
    –  Je ne sais pas… je crois.
    –  Trop fatiguée pour dormir ? »
    Elle fit signe que oui.
    « Ça arrive. Venez, je vous soutiendrai. »
    Ils remontèrent l’avenue Marceau. Ravic sentait le poids de la femme accrochée à son bras, comme quelqu’un qui est sur le point de tomber et qui se cramponne.
    Ils traversèrent l’avenue Pierre-I er -de-Serbie. À l’intersection de la rue de Chaillot, l’avenue s’ouvrait. Devant eux, émergeant de l’obscurité, l’Arc de Triomphe se dressait dans le ciel pluvieux.
    Ravie indiqua l’entrée étroite et éclairée d’un café installé au sous-sol.
    « Tenez, ici nous pourrons nous faire servir quelque chose. »
    C’était un bistrot fréquenté par des chauffeurs de taxi. Quelques hommes et deux filles étaient attablés. Les hommes jouaient aux cartes. Les filles buvaient de l’absinthe. D’un coup d’œil rapide, elles examinèrent la femme qui entrait, puis détournèrent la tête avec indifférence. La plus âgée bâilla bruyamment. L’autre refit nonchalamment son maquillage. En arrière de la salle, un garçon à la mine chafouine lançait sur le plancher quelques poignées de sciure de bois avant de balayer. Ravie et la femme s’assirent à une table près de l’entrée. Ce serait plus commode pour s’éclipser. Il garda même son pardessus.
    « Que prenez-vous ? demanda-t-il.
    –  Je ne sais pas. N’importe quoi.
    –  Deux calvados ! commanda Ravic au garçon, qui était en gilet et manches de chemise retroussées. Et un paquet de gauloises vertes.
    –  Nous n’avons que des bleues. »
    Le regard de Ravic se porta sur l’avant-bras du garçon où était tatouée une femme nue debout sur
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