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L'ange de la mort

L'ange de la mort

Titel: L'ange de la mort
Autoren: Paul C. Doherty
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en corne devant leur demeure. Seuls s’affairaient les mendiants et les chiffonniers qui cherchaient à tirer ce qu’ils pouvaient d’une journée de marché. Un groupe de cavaliers passa, les sabots de leurs montures brisant et émiettant la glace. Corbett faillit glisser et se rendit soudain compte de l’absence de Ranulf qui l’avait accompagné à la cathédrale. Apparemment son serviteur s’était éclipsé pour aller faire le joli coeur, comme à son habitude. Corbett n’en eut cure. Affamé, il acheta une tourte à un boulanger, mais la jeta après deux bouchées, le goût de la viande avariée perçant sous les épices. Puis il entra dans une taverne au coin de Bread Street et, assis près de la cheminée, se réchauffa les mains autour d’un bol de soupe. Il essaya de ne pas voir les globules de graisse qui flottaient parmi les morceaux de viande et de légumes, et, pour mieux les faire passer, but trois chopes de bière londonienne, boisson servie tiède et épicée pour chasser le froid. À la fin, il sortit se soulager dans le caniveau avant de tourner le coin de la rue et de se diriger vers son logis.
    Corbett savait se battre. Il avait guerroyé en Écosse et au pays de Galles et était tombé plus d’une fois dans une embuscade, mais ce soir-là l’attaque fut particulièrement sauvage et inattendue. Il essayait d’éviter adroitement la rigole, et, en même temps, de ne pas glisser lorsqu’une silhouette vêtue de noir surgit d’un portail. Si Corbett n’avait pas entrevu l’éclair de l’acier, l’épée l’aurait décapité d’un seul mouvement. Mais il se déroba et fit un écart, perdant ainsi l’équilibre sur le sol verglacé. Il se mit alors à ramper pendant que son assaillant, les yeux étincelants derrière les fentes de sa cagoule noire, levait son arme pour le coup mortel. Les jambes entortillées dans sa cape, son épée coincée sous lui et impossible à dégainer, Corbett reculait en se traînant par terre comme un enfant aux prises avec un père furieux. Il sentit soudain sa main déraper dans le caniveau tandis que son assassin aux allures de bourreau s’avançait, l’épée haute, cherchant où assener le coup fatal. Corbett ne pouvait même plus réfléchir. Il s’immobilisa, paralysé, le regard rivé sur ces yeux terrifiants et sur le tranchant de l’arme derrière les épaules de l’homme. Ce n’était pas un simple malandrin ou un truand, mais un tueur à gages aux gestes mesurés et rythmés qui, comme un danseur, prenait tout son temps. Et pourquoi pas ? C’était le crépuscule, il n’y avait pas un chat dans les rues. Qui se soucierait du sort d’un Londonien assez stupide pour sortir seul et se faire attaquer ? Il essaya d’appeler au secours, mais il avait la bouche sèche et le son resta au fond de son gosier comme un morceau de viande mal mâchée. Il mit la main sur le poignard passé à sa ceinture et le dégaina, mais cela le fit glisser plus loin sur le verglas. Désespéré, il observa l’autre qui, jambes écartées, s’apprêtait à abattre son épée pour en finir. L’assassin fit un pas en avant, puis soudain rejeta la tête en arrière et, s’effondrant comme une poupée de son, s’écroula sur les genoux, l’épée s’échappant de sa main, la tête dodelinant sur sa poitrine. Corbett vit de la salive sanguinolente s’écouler de sa bouche. Le tueur tourna et s’affaissa doucement sur le flanc, recroquevillé comme un enfant prêt à s’endormir. Le clerc leva les yeux. Devant lui se dressait, bien campé sur ses pieds, son serviteur rayonnant qui brandissait un long poignard rougi jusqu’à la garde.
    — Ranulf ! Dieu du Ciel ! Je ne t’ai pas entendu venir ! l’apostropha Corbett d’un ton cassant.
    Ranulf haussa les épaules et s’accroupit pour essuyer sa lame sur la cape du mort.
    — Je ne vous comprendrai jamais, Messire, se contenta-t-il de répliquer sèchement. Quand je suis près de vous, vous m’adressez à peine la parole, et quand je vous sauve la vie je n’entends que des critiques. Vous auriez voulu que j’arrive plus tard ?
    — Où étais-tu passé ? C’est un vrai miracle que tu sois intervenu à temps !
    Les mots se heurtaient à cause de sa peur rétrospective.
    — J’étais sur le parvis, protesta Ranulf d’une voix que l’indignation rendait suraiguë. Je suis allé examiner l’estrade du mystère d’un peu plus près. Je vous ai vu disparaître au coin et je vous ai
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