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L'ange de la mort

L'ange de la mort

Titel: L'ange de la mort
Autoren: Paul C. Doherty
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autour de lui et guettant son âme ? Le roi reposa son hanap et alla à son lit de camp. Il s’y étendit en priant pour que le sommeil vînt apaiser les souffrances de sa chair et calmer les angoisses de son âme, plus pesantes que le plomb.
    Il aurait pu, quelques semaines plus tard, rencontrer, dans une pièce exiguë aux murs chaulés, à Londres, un homme qui comprenait parfaitement ce qu’étaient la haine amère au goût de plomb et la soif inextinguible de vengeance. Ce personnage, assis sur un petit tabouret, s’était enveloppé dans une robe de bure dont il avait rabattu le capuchon pour dissimuler ses traits. Il gardait les yeux rivés sur le modeste autel surmonté d’un crucifix qui, seul, se distinguait nettement à la lueur d’un unique cierge. Tout comme Édouard, il était transi, mais moins à cause de l’hiver ou du manque de feu que par le froid qui montait du plus profond de son être, par le ressentiment féroce qui s’emparait de lui dès qu’il ne dormait pas et habitait ses moindres pensées sans qu’il en laissât jamais rien paraître. Il exécrait le roi, d’une haine qui, depuis l’annonce des événements de Berwick, n’avait cessé de croître comme une plante rare et exotique, entourée de soins et nourrie à chaque heure de la journée. Il rêvait de vengeance. La Bible disait que la vengeance appartenait au Seigneur, mais cela ne le réconfortait nullement. Au début, il avait voulu l’exercer par souci de justice, mais à présent il savourait son aversion comme il l’aurait fait d’un bon cru ou d’un plat délectable.
    Il s’agita en regardant le cercle de lumière. Édouard avait accompli de grandes choses en Écosse et le peuple, disait-on, l’avait finalement bien accepté, mais cela ne justifiait en rien l’horreur de Berwick. L’homme eut un sourire sans joie et ressentit à nouveau l’amertume dont se nourrissait sa soif de vengeance. « Oh ! Seigneur ! Comment Dieu avait-il pu permettre cela ? Comment ? » Il revit son frère cadet, son visage lisse encadré de cheveux blonds et le regard naïf de ses yeux couleur de bleuet. Ce frère qui avait eu tellement d’admiration et de confiance en lui ! Ce frère qui avait accepté, comme un enfant, l’assurance qu’être au service d’Édouard d’Angleterre lui apporterait richesse et avancement et qu’il n’existait pas de meilleur endroit pour les affaires et le commerce que la grande cité fortifiée de Berwick. Fort de ces certitudes, son cadet était parti, et avait péri avec les autres dans la terrible boucherie.
    La nouvelle lui était parvenue lentement par des colporteurs, des rétameurs, quelques marchands. D’abord, il avait refusé de le croire : un souverain ne pouvait agir ainsi ! Édouard d’Angleterre, qui se voulait le grand sauveur de l’Occident, n’avait sûrement pas pu décréter que l’on passe au fil de l’épée toute une ville, hommes, femmes et enfants ! C’était des choses du passé, cela ! C’était contraire aux lois de la guerre, or Édouard d’Angleterre avait autant de respect pour la loi que pour le Saint-Sacrement ! Mais la vérité, quand elle lui parvint enfin, s’avéra mille fois pire. Oui ! Édouard avait bien ordonné le massacre de tous les citoyens de Berwick ! Les morts se comptaient par milliers, d’aucuns avançaient le nombre de dix mille, selon d’autres c’était deux fois plus. La cité avait été mise à sac et les habitants tués, sans distinction d’âge, de sexe ou de condition sociale. Même ceux qui avaient cherché refuge dans les églises avaient été abattus au pied des autels, les lieux saints étant profanés par de simples soldats anglais. Et son frère ? L’homme ferma les yeux pour dissimuler ses larmes. Matthew avait dû périr, la mort effaçant l’étonnement qui se lisait dans ses yeux vitreux. Et l’épouse de Matthew, ses jeunes enfants ? Combien étaient-ils ? Trois ou quatre. Il les avait vus, deux ans auparavant, lors d’un séjour de Matthew à Londres : leur père tout craché, avec leurs visages ronds d’angelots et leurs tignasses blondes. Ils avaient joué sur le parvis de la cathédrale, leurs rires aigus trahissant leur joie de vivre, cette vie qui s’était envolée à présent, soufflée comme la flamme vacillante d’une chandelle à cause de la colère du roi d’Angleterre.
    L’homme regarda le crucifix, les lèvres retroussées comme celles d’un chien qui gronde. Il se
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