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L'âme de la France

L'âme de la France

Titel: L'âme de la France
Autoren: Max Gallo
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limites à l'hexagone. Par ses origines, par la mémoire de la terre, il était donc lié à cette partie que la mer éloigne, qui devient îles. Ce sont désormais comme des frères siamois tranchés par l'encastrement, entre eux, de la mer du Nord. Et chacun vivra différent malgré leur souche commune.
    Les formes et les limites sont ainsi en place.
    La terre hexagonale enseigne la diversité des horizons, des sols et des roches aux premiers hommes qui surgissent, venant de l'est par la grande voie danubienne, et du sud par la voie méditerranéenne.

    Que sait-on de ces hommes d'il y a plus d'un million d'années ?
    Peut-on imaginer qu'en eux, au fond de leur regard, il y a de temps à autre – et, entre chacun de ces moments, peut-être faut-il compter cent mille années ? – une étincelle qui, un jour, après un nouveau déluge de temps – 800 000 ans ? – donnera une flammèche ?
    Elle annonce qu'ici, sur ce sol, surgira – il y faudra une autre coulée gigantesque d'années – l'âme de la France.

    Les premiers de ces hommes-là sont des prédateurs que leur nomadisme pousse d'un paysage à l'autre, que le froid et le vent font reculer, se réfugier dans des grottes, mais auxquels le réchauffement du climat donne l'audace de repartir.
    Ils chassent. Ils pêchent. Ils cueillent. Ils taillent dans la pierre des armes et des outils rudimentaires. Ils tendent des pièges et, selon les époques – entre elles s'étendent des millénaires –, ils tuent l'hippopotame, le rhinocéros ou l'ours brun, le cerf, le sanglier ou le lapin, le bison ou le cheval sauvage, le taureau ou le bouquetin.
    Ils façonnent des grattoirs, des perçoirs, et bientôt polissent la pierre, le bois de ces arbres qui, en fonction du climat, s'enracinent dans le nord ou le sud de l'hexagone : bouleaux, pins, noisetiers, chênes, ormes, tilleuls...
    Et, le temps s'étant encore écoulé, voici qu'en frottant des bouts de bois l'un contre l'autre ils font jaillir des étincelles, maîtrisant ce feu que parfois déjà la foudre leur offrait.

    Ils s'accroupissent autour du foyer, ces hommes qu'on nomme de Neandertal – du nom d'un site proche de Düsseldorf.
    Ils ont la voûte crânienne surbaissée, des arcades sourcilières renflées, énormes, un front fuyant, leur face sans menton est un museau. Ils sont pourtant Homo sapiens . Après eux viendront les Homo sapiens sapiens , l'homme de Cro-Magnon – vieux de 35 000 ans, trouvé aux Eyzies-de-Tayac-Sireuil, dans la Dordogne –, dont la boîte crânienne s'est allongée.
    Mais, pour passer de l'un à l'autre, de la pierre taillée (paléolithique) à la pierre polie (néolithique), il a fallu plusieurs milliers d'années, peut-être plus de cent mille.
    Ils brisent la pierre à coups de burin. Ils la grattent. Ils la lustrent. Ils sont encore nomades, mais déjà, dans un climat plus tempéré, ils demeurent longuement sur les lieux qu'ils jugent favorables à leurs chasses.

    Ils sont là, entre Loire et Garonne, et leurs générations se succèdent sans aucune interruption, faisant de cette région l'une des seules de France où l'occupation humaine ait été permanente.
    Le peuplement est dense dans les vallées de la Dordogne et de la Vézère, dans le Périgord, la Corrèze.
    Lesquels de ces hommes-là, qui se rassemblent autour des feux et soufflent sur les braises pour que les flammes bleutées dansent devant leurs yeux fixes, ont, quand la mort frappait l'un des leurs, décidé de l'enfouir dans une tombe afin qu'il vive une autre vie et que son corps abandonné ne soit pas livré aux rapaces, aux fauves ?
    Dans la Corrèze, à La Chapelle-aux-Saints, ils ont préparé cette sépulture.

    Est-ce le premier indice d'une âme qui, en eux, commence son travail de genèse de l'homme ? Pour qu'ainsi la terre de l'hexagone devienne un grand reposoir où, génération après génération, durant des millénaires, les corps fécondent le territoire, millions de morts qui sont comme l'humus de l'âme de la France ?
    Cette tombe de La Chapelle-aux-Saints, les hommes l'ont conçue et creusée quarante mille ans avant notre ère. Et c'est le signe qu'ils s'interrogent à tâtons, entre effroi et rêve, sur ce qu'est cette vie qui un jour les abandonne, sur ces animaux, biches, bouquetins, chevaux, taureaux, qu'ils tuent et dont ils se repaissent, et parce qu'ils veulent les « saisir » ils les emprisonnent dans leur regard, les représentent sur les parois
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