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L'affaire de l'esclave Furcy

L'affaire de l'esclave Furcy

Titel: L'affaire de l'esclave Furcy
Autoren: Mohammed Aïssaoui
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sa force, et sa
chaîne. Lorsque je me rendais aux Archives départementales de la
Réunion, je voyais tous les mardis des personnes arriver avec
des longues feuilles sur lesquelles figuraient des arbres généalogiques. Des clubs s’étaient constitués, certains s’étaient spécialisés par ethnie, cela paraissait étonnant sur une île aussi
métissée. Toutes ces personnes étaient en quête d’un ascendant, cherchaient un acte de naissance ou de mariage. Cette
quête était fiévreuse, il me semblait qu’elle constituait un enjeu
que j’étais loin de soupçonner. Tout cela m’a ému. J’ai vu un
homme qui tenait une feuille particulièrement grande (pas loindu mètre carré). Je lui ai fait remarquer, en souriant, qu’avec
un tel arbre, sa généalogie devait remonter au Moyen Âge. Il
m’a dit : « Non, l’arbre est coupé en 1848 ! Je ne trouve pratiquement rien avant l’abolition. » J’en ai rencontré un autre
— un entrepreneur à la retraite d’origine indienne —, il avait
réalisé un travail extraordinaire recensant plus de 3 200 noms
de ses ascendants. Il en avait fait un livre. Furcy étant aussi
d’origine indienne, on m’avait conseillé d’aller le voir : il mentionnait trois Furcy, mais aucun ne correspondait au mien. Ce qui m’étonnait, c’est que toutes ces personnes qui effectuaient des recherches étaient persuadées d’avoir un ascendant
esclave. Pourtant cet ascendant aurait très bien pu se révéler un
noir ayant possédé des esclaves ou ayant été un commandeur.
C’était possible. De retour à Paris, le 12 mai 2009, deux jours après la commémoration de l’abolition de l’esclavage, j’ai rencontré une
amie, une femme charmante, aux yeux bleus magnifiques. Nous parlons de choses et d’autres, et vers la fin de la
conversation, j’évoque l’affaire de l’esclave Furcy. « Ah ! me
dit-elle, tu connais mon nom complet ? Celui qui figure sur ma
pièce d’identité ? Je ne le dis jamais, il est trop long. C’est
Panon-Desbassayns de Richemont. J’ai chez moi le portrait de
mon aïeule, Mme Desbassayns. Nous avons les mêmes
yeux. » Quand ils ont eu vent de mon projet, des descendants de
Sully-Brunet m’ont également appelé. Et Furcy, où sont ses descendants ? Aujourd’hui, encore,
après quatre années d’enquête, je suis incapable de savoir
quand et où il est mort. Je n’ai pas même son nom.

ANNEXES

SOURCES
    Tout a commencé par la lecture d’une dépêche de l’Agence France-Presse datée du 16 mars 2005 ; elle a été peu reprise par les journaux,
sinon sous forme de brève. Son titre était : « Le drame de Furcy, né libre,
devenu esclave », elle comportait quelques erreurs de date mais résumait
l’essentiel. Pour retrouver Furcy, je me suis appuyé sur des archives, des lettres
manuscrites, et les plaidoiries. La plupart de ces documents méritent
d’être publiés tels quels tant ils sont fascinants. J’indique, ci-dessous, les
lieux où on peut les consulter. Je formule le vœu qu’ils puissent être rassemblés en un seul endroit. Pour mieux saisir l’époque, j’ai lu, principalement, les différents codes noirs, des récits de voyages, et les ouvrages
référencés ici. Je me suis inspiré des Archives départementales de la Réunion,
préemptées par l’État le 16 mars 2005, à l’hôtel Drouot. On y trouvera la
plaidoirie de Godart Desaponay et celle de l’avocat Joseph Rey ; ces textes
sont à mon sens les plus importants. Il y a également la pétition en faveur
de Sully-Brunet, qui recoupe un peu les autres documents. À la BNF, j’ai trouvé l’extraordinaire, la fabuleuse plaidoirie de maître
Ed. Thureau, Cour royale de Paris. Les quarante pages de la lettre manuscrite de Philippe Desbassayns de
Richemont au ministre, qui se trouvent aux Archives nationales de
l’Outre-mer (Anom), à Aix-en-Provence, sont tout simplement révélatrices. En voulant dénoncer les agissements de Furcy, de Gilbert Boucher
et de Sully-Brunet, Desbassayns dresse le tableau et l’esprit d’une époqueet d’une administration coloniale. C’est d’un immense intérêt. Tout ce
que dit ou pense Desbassayns dans ce récit est contenu dans sa lettre. Je
n’ai rien inventé. De même que les paroles d’Auguste Billiard dans le deuxième chapitre
proviennent, à deux ou trois mots près, de son Voyage aux colonies orientales que l’on peut se procurer aux Éditions Arts Terres Créoles, collection
Mascarin.
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