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L'affaire de l'esclave Furcy

L'affaire de l'esclave Furcy

Titel: L'affaire de l'esclave Furcy
Autoren: Mohammed Aïssaoui
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vingt-cinq à trente coups de fouet pour
le délit qui mériterait au moins cinq ans d’emprisonnement ou
des travaux forcés. » Furcy amena les cigares pour signifier qu’il était temps d’en
terminer. Il profita d’un instant pour dire à Lory qu’il serait
lundi à l’habitation à 5 heures, comme d’habitude, et que s’il
avait besoin de lui dimanche, il pouvait se rendre disponible.
Auguste Billiard n’avait pas l’air de comprendre qu’il lui fallait quitter les lieux. Il regarda Lory en soufflant une bouffée
de son cigare, et il lança : « Vous savez que les esclaves n’ont pas besoin de
vêtements ? — Non. Et pourquoi donc ? questionna Joseph Lory au
risque de faire durer la conversation. — Parce que la couleur noire est un vêtement dont ils sont
recouverts. Il est approprié au climat où la nature les a placés.
Vous n’êtes pas sans l’ignorer : c’est pour être nus qu’ils ont
été faits noirs. Aussi, le nègre auquel on donne des habits se
hâte-t-il toujours de s’en débarrasser. » Lory acquiesça, autant parce qu’il ne s’opposait pas à l’idée,que pour ne pas relancer le bavard. Il avait eu une dure journée,
il était épuisé, mais il ne put se retenir : « Monsieur Billiard, je le dis autant à l’homme que
j’apprécie qu’au futur député de notre île : les esclaves nous
reviennent cher. J’ai là, dans mon habitation, deux vieillards
dont je ne puis me défaire. Ils se fatiguent vite et ne me rapportent plus rien, c’est par humanité que je les garde. Où iront-ils ? Et j’éprouve le plus grand mal à faire travailler efficacement nombre d’entre eux... » Billiard l’interrompit : « Je vous le répète, l’esclave est paresseux et menteur. Je
n’ai qu’un conseil : soyez dur, mon cher Lory, ce sont les
nègres qui demandent qu’on les commande. Quant à leur coût,
j’en conviens. J’ai lu une étude (il s’arrête un instant, met son
poing devant sa bouche pour retenir un rot, puis continue précipitamment de peur d’être coupé)... Dans les bonnes habitations, les noirs sont estimés entre 120 et 150 piastres dans les
inventaires de succession. Ils reviennent tellement cher en
impôts, et vous n’êtes pas sans ignorer que certains propriétaires sous-évaluent le nombre de leurs esclaves pour n’avoir
pas à payer la capitation. Vous savez, on peut remplacer avantageusement un noir par un cheval ou un mulet. » Puis, il lâcha ces mots qui faillirent faire s’étrangler Lory. « Peut-être l’abolition donnera-t-elle à ces nègres une bien
meilleure idée du travail ? Qui sait ? Je réfléchis à des propositions dans ce sens. Et je militerai avec la plus forte énergie.
Vous savez que j’entreprends la rédaction d’une réglementation que je présenterai à son excellence, monsieur le ministre
de la Marine ? J’ai déjà le titre : Projet de Code noir pour les
colonies françaises.  » Quand Furcy partit en cuisine pour donner l’ordre aux
domestiques de partir, Billiard se pencha vers Joseph Lory. « Dites-moi, cet esclave m’impressionne favorablement,
chuchota-t-il, en faisant un signe de la tête vers l’endroit où se
trouvait Furcy, il a de la tenue, de l’aisance, et une certaine
éducation, même (cette fois, il ne peut retenir un rot). Pardon...
Où l’avez-vous acheté ? » Lory sourit, avec fierté : « Je n’ai pas eu à l’acquérir. Furcy est un Malabar, c’est-à-dire un habitant de la côte ouest de l’Inde mais il est né à
Bourbon, dans l’habitation de ma tante. Elle me l’a légué à sa
mort, en même temps que sa mère qui vient de Chandernagor.
C’est un esclave exemplaire. Je n’ai jamais eu qu’à me louer
de sa fidélité et de sa soumission. Je lui ai confié des responsabilités : c’est mon maître d’hôtel, et il me donne entière satisfaction. »

3
    « L’affaire de l’esclave Furcy » contre Joseph Lory est née
peu de temps après cette douce nuit sur l’île Bourbon. Elle a
commencé au tribunal d’instance de Saint-Denis, et s’est
achevée vingt-sept années plus tard, fin 1843, à la Cour de cassation, à Paris. Ce qui est tout simplement inimaginable quand
on sait qu’un esclave n’avait pas le droit d’assigner directement son maître en justice. Je ne connais pas grand-chose de Furcy, mais je sais que je
l’attendais, je l’ai cherché, même. Il faut fouiller dans les
« souterrains de l’Histoire ». Cette expression
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