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L'abandon de la mésange

L'abandon de la mésange

Titel: L'abandon de la mésange
Autoren: Arlette Cousture
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qu’elle considérait
comme la trahison de Côme ne l’avait pas fait souffrir autant qu’elle l’aurait
imaginé. Il lui arrivait même parfois de penser, mais elle se gardait bien de
le dire, que cette Suzanne avait dû lui ressembler dans sa solitude et sa
patience et qu’elle aussi avait été flouée.
    Élise avait freiné son désir de faire de
Wilson son amant, préférant l’épicurisme à faible dose à la découverte
immédiate de leurs textures et de leurs saveurs. De toute façon, elle aurait
été incapable de faire l’amour chez sa mère, et il lui était difficile de le
faire chez Wilson, à cause des filles. Ils avaient aussi passé l’âge des
inconfortables banquettes d’automobile.
    Ensemble, ils avaient considéré leurs lieux
connus : l’accident de Clovis, le mariage et la magnifique photographie de
son père dans son cadre argenté, la mort de Martin Luther King, et enfin –
même si, en y repensant, Élise se trouvait un peu sosotte  –, le
baptême des petites.
    – Ton arnaque était parfaite, Élise…
    – Quelle arnaque ? Veux-tu dire que
je mourais d’envie de te voir, tant j’étais heureuse d’avoir eu les jumelles,
et que je ne savais pas comment t’attirer ?
    – Allons donc ! Tu as très bien su…
et tu as fait de moi le plus heureux des parrains !
    Wilson avait commencé à se constituer une
clientèle et il s’en réjouissait.
    – Blanche, Élise, une clientèle
blanche !
    – Parce que tu t’attendais à avoir une
clientèle de couleur dans une ville où il n’y pas un seul négrillon ?
    C’est au cours d’une promenade dominicale avec
les trois enfants, dans la région de Saint-Jean, qu’ils virent, à L’Acadie, la
maison dont Élise n’aurait jamais osé rêver. C’était une ancienne école de
campagne, modifiée, solidement ancrée sur un terrain immense avec ses arpents
accidentés, et assez éloignée de la route pour ne pas être offerte à tous les
regards. Le terrain était couvert de pins et d’épinettes, d’érables et de
bouleaux, et la terre adjacente comportait six mille plants de bleuets et six
mille plants de framboises. L’exploitation était à vendre dans sa totalité et
Élise en avait perdu la voix tant elle était ravie.
    Si la maison lui convenait, les bâtiments
étaient idéaux pour l’entreposage de matériel aratoire et de jardinage, et
adéquats pour loger Poussin et P’tit Poussin. Ils purent visiter les lieux le
jour même, les propriétaires se trouvant dans les champs, à tailler les
framboisiers. Même si elle l’avait voulu, Élise n’aurait pu résister à
l’exubérante excitation des petites, qui couraient dans la grande cuisine –
une ancienne salle de classe –, ni à celle de Dany, qui galopait dehors
parmi les arbres et les fossés, qu’il voyait comme des canyons.
    Wilson se retira lorsqu’elle discuta avec les
occupants, fasciné par sa soudaine allure de femme d’affaires avisée et futée.
Elle impressionna ces gens uniquement en prenant instinctivement un sécateur
posé dans un panier et en élaguant les framboisiers avec eux, tout en les interrogeant
sur le travail à abattre, sur les coûts et sur le seuil de rentabilité.
    – Le plus difficile, c’est toujours de
trouver des cueilleurs.
    – Je pensais plutôt ouvrir les vergers
aux gens de la ville. À votre avis, ce serait possible ?
    Ils se regardèrent et sourirent.
    – À notre avis, oui, et rentable. En tout
cas, c’est ce que commencent à faire les pomiculteurs, et ils ne s’en plaignent
pas. Personne à nourrir, personne à loger, presque personne à payer. Peut-être
un peu de casse de branches, peut-être un peu de fruits négligés, mais, à tout
prendre, c’est bien.
    – Et je pourrais éventuellement acheter
les terres voisines pour agrandir ?
    – Probablement, mais c’est déjà très
grand.
    – Je sais. Il y a un centre d’équitation
à proximité ? Le petit Dany adore les chevaux.
    – Oui, et des amis à nous ont des écuries
à Saint-Luc.
    Ayant sympathisé, ils furent invités à passer
quelques heures à la ferme, et Élise arpenta les lieux comme elle avait vu
faire son père. Plus elle marchait, plus elle s’excitait, fermant les yeux et
se disant : « Marquise de Carabas, ouvre les yeux et vois ton
domaine ! » Ils prirent une collation et les enfants se
barbouillèrent en bleu, les mains plongées dans une belle tarte aux bleuets
couronnée de glace à la
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