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L'abandon de la mésange

L'abandon de la mésange

Titel: L'abandon de la mésange
Autoren: Arlette Cousture
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voyant sursauter.
    – Qu’est-ce que… ?
    – C’est nous, Wilson !
    – Qu’est-ce que tu fais ici ?
    – Je suis venue passer la nuit avec toi…
J’ai la ferme, Wilson ! Ils prirent chacun une des deux petites et ils les
couchèrent à l’étage, sur un matelas posé par terre. Wilson les couvrit avec
toute sa délicatesse, sortit sur la pointe des pieds et attira Élise dans sa
chambre. En silence, presque en apnée, elle découvrit la saveur d’une nouvelle
peau d’homme tandis qu’elle s’abandonnait sans pudeur dans les bras de Wilson,
avec le sentiment de réintégrer son corps et de le trouver chaud et confortable
comme un manteau qui aurait été remisé dans l’attente d’une nouvelle saison.

– 40 –
1973
     
     
    Élise et Wilson se gavaient l’un de l’autre
depuis le jour où Élise avait obtenu la ferme. Leurs amours étaient si limpides
qu’elle se prenait fréquemment à regretter ses vingt ans. La maison était
encore plus belle qu’ils ne l’avaient imaginée. Leur chambre, entièrement
meublée d’antiquités, était fleurie ; celle des filles, semblable à ce qui
leur était familier, avec des grenouilles et des arbres sur les murs.
    Marcel bouleversa Élise en arrivant en pleine
tempête avec le mobilier de salle à manger qu’Amélie avait briqué durant toute
sa vie. Il lui apportait aussi son gros mobilier de chambre.
    – Tu peux le mettre dans ta chambre
d’amis si tu ne peux plus dormir dedans.
    – C’est ce que je ferai avec plaisir,
Marcel. Mes souvenirs de votre ferme seront appréciés ici, malgré tout.
    – Tout ?
    – Un triste échec, mais beaucoup de
bonheur quand je regarde mes filles. C’est quand même grâce à Côme…
    Elle voulait demander où dormait ce dernier,
mais elle n’en fit rien. Elle ne se sentait plus concernée. Apparemment, Marcel
entendit ses pensées.
    – Il est retourné vivre à
Sainte-Anne-de-la-Pocatière, si c’est ce que tu n’oses pas demander. On lui a
offert un poste de professeur, laissé vacant par la mort accidentelle d’un de
ses collègues. Je vais y aller une fois de temps en temps, et je vais aussi
venir ici, dans la chambre d’amis, une fois de temps en temps, si tu me le
permets, et je vais aller en Belgique de plus en plus souvent.
    Marcel s’assombrit avant de sourire
tristement.
    – J’ai vendu la ferme, Élise.
    Elle eut un choc, même si elle s’y attendait.
Marcel avait vendu sa vie au lieu de la passer à son fils et à ses
petites-filles. Elle ne pourrait retourner sur les lieux et leur montrer la
chambre où elles étaient nées. Elle était émue par tout ce qui arrivait. Marcel
lui était resté fidèle et, si elle avait bien compris, il lui demandait gentiment
d’avoir son pied-à-terre à L’Acadie.
    Ainsi Côme habitait sa deuxième maison, en
regrettant sa deuxième femme et en pleurant ses deux filles.
    – Tu la connaissais, cette Suzanne ?
    – Non.
    – Je ne comprends rien. Il me répète
qu’il t’a aimée dès qu’il t’a vue. Drôle d’amour !
    – Ce que moi je comprends, Marcel, c’est
qu’il a aussi aimé Suzanne dès qu’il l’a vue…
    – Mais on n’est pas des mormons, pour
avoir deux femmes !
    Élise changea de pièce, ouvrant une porte pour
que Marcel voie les filles.
    – Demain, si tu permets, je les emmène
voir le père Noël.
    – Elles sont trop jeunes encore !
    – Alors, je les promènerai en traîneau.
     
    * * *
     
    Élise, Wilson, Dany et Jacqueline
s’époumonaient à chanter un joyeux anniversaire aux jumelles, qui battaient des
mains en riant de bonheur. Chacune souffla ses deux bougies sur un petit
gâteau. Puis tout le monde s’emmitoufla, enfila ses patins et sortit sur la
patinoire, que Wilson avait préparée selon les instructions d’Élise. Wilson
tirait le traîneau de Viviane, et Jacqueline, celui de Violaine. Dany, portant
un petit chandail de hockey par-dessus son habit de neige, tenait la main
d’Élise, tentant avec maladresse et beaucoup de détermination les premières
glisses de sa vie.
    – Et ton Bernard, Jacqueline ?
    – Il prépare sa maison pour l’arrivée de
sa blonde.
    – T’es pas sérieuse ? C’est
qui ?
    – Ma chatte échaudée, toi ! C’est
moi, sa blonde !
    Jacqueline éclata de rire et Élise l’imita.
Quelques instants plus tard, elles virent une vieille Renault 5 effectuer un
spectaculaire dérapage sur la glace de l’entrée et s’immobiliser à deux pieds
d’un
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