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L'abandon de la mésange

L'abandon de la mésange

Titel: L'abandon de la mésange
Autoren: Arlette Cousture
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voulais te dire
que j’étais bien arrivé et bien installé à l’hôtel. Côme est là ?
    – Non, Marcel, Côme n’est pas là, et je
ne sais plus si je suis en colère ou inquiète.
    – Oh ! mon petit, veux-tu que je
rentre te chercher ?
    – Non, merci. Il devrait arriver. Et les
fleurs ?
    – Au frigo, t’en fais pas.
    Demain, sa mère allait dire « oui »
à Napoléon. Ils avaient hésité entre les dates du 2 et du 9 septembre, mais
Blanche avait tranché. « Je pense que je suis superstitieuse, Napoléon. La
date du neuf a été prise par mes parents et ensuite par Élise. Le deux me
convient mieux. »
    Ils avaient invité très peu de
personnes : Élise et Côme, Micheline quelques amis religieux de Napoléon,
Marcel, Jacqueline et Bernard, deux des tantes Pronovost, un cousin de Napoléon
et les Philippe. Blanche ne voulait voir personne d’autre. La cérémonie serait
sobre et de courte durée, Napoléon et elle ayant demandé une bénédiction sans
messe, non pas dans la nef ou le chœur de l’église Saint-Viateur, mais dans la
sacristie, qu’Élise devait aménager et décorer avec des dizaines de bouquets
d’hydrangées et de glaïeuls cueillis dans son jardin. Elle et Marcel les
avaient mis dans des bacs d’eau et recouverts de papier transparent et de
papier kraft.
    – Tu es certaine, Élise, que ça va
tenir ?
    – Je l’espère, Marcel.
    Ils avaient tout placé dans le coffre de la
voiture de Marcel, qui était parti sur le coup de seize heures pour Montréal,
où il dormirait à l’hôtel Reine-Élisabeth, dont les préposés avaient accepté de
placer les fleurs dans les réfrigérateurs.
    Élise termina la vaisselle et lança son
torchon sur le comptoir. Elle n’en pouvait plus d’attendre. Ils réveilleraient
tout le monde en arrivant à Outremont, où ils ne pourraient être avant
vingt-deux heures, maintenant. Elle ne savait plus que faire.
    Micheline et Jacqueline avaient offert deux
jolies robes à leurs filleules, qui dandineraient leurs dix-huit mois aux côtés
de leur mamie. Elles seraient magnifiques avec leurs boucles châtaines et leurs
barrettes en forme de nœud. Quant à Élise, elle avait acheté – sa mère en
avait été ravie – un ensemble orange brûlé qui lui allait à merveille.
    Quelque chose l’émouvait dans le remariage de
sa mère. L’espoir peut-être. Le fait de savoir que la vie ne finissait que le
jour de sa fin. Elle avait longtemps cru que sa mère ne cesserait jamais de
pleurer, puis Blanche avait séché ses larmes. Alors elle avait pensé que sa
mère ne saurait plus rire, jusqu’à ce qu’elle l’entende s’esclaffer. Enfin,
elle avait été convaincue qu’aucun amour ne pourrait renaître, et pourtant sa
mère allait l’afficher demain.
    Demain ! Élise téléphona chez Micheline,
qui ne répondit pas. Elle s’assit devant la télévision et fut horrifiée de voir
qu’une discothèque de l’ouest de Montréal était en flammes. Une horreur !
Elle éteignit immédiatement l’appareil, écœurée. Trois jeunes hommes auxquels
on en avait refusé l’accès auraient lancé des bidons d’essence dans l’escalier
pour y mettre le feu. Une vengeance.
    L’obscurité avait donc tout envahi :
l’écran de la télévision, le salon, la chambre et le ciel. Élise s’assoupit,
après avoir, par précaution, mis le réveil pour cinq heures.
    Côme entra dans la chambre en pleurant à
chaudes larmes, des sanglots si sourds et si profonds qu’ils éveillèrent Élise.
    – Côme ? C’est toi, Côme ?
    – Évidemment…
    Élise alluma, mais elle savait ce qu’elle
allait voir. Son nez l’avait prévenue. Côme était devant elle, les sourcils et
les cheveux roussis, le visage noir de suie et blanc de dégoulinures.
    – Qu’est-ce que tu faisais au Bluebird ,
Côme ?
    Il s’écroula sur le lit en pleurant à fendre
l’âme d’Élise. Ses pleurs étaient des pleurs de deuil.
    – Qui est mort, Côme ?
    – Personne et plein de monde…
    – Qui connaissais-tu, Côme ?
    – Plein de monde…
    Élise sentit son sang se drainer. Elle savait
qu’elle devait se lever en se taisant et aller dormir sur le canapé du salon,
mais elle n’avait pas envie de se taire. Le glas sonnait dans la voix de Côme
et lui résonnait dans l’âme.
    – Qui connaissais-tu qui est mort,
Côme ?
    – Suzanne.
    Alors, à travers ses larmes, ses sanglots et
ses reniflements, il pleura cette Suzanne.
    – Je l’ai
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