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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins
Autoren: Robert Merle
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dire !
    Et bien qu’Henri eût dit cela en gausserie. Monseigneur, dit
Greta, ne rit cette fois que du bout des lèvres.
    — Le frai, poursuivit Greta qui, étant
Alsacienne, prononçait les « v » comme des « f », les
« d » comme des « t » et les « b » comme des
« p », le frai, c’est que le Roi, pendant que le cardinal
officiait, n’avait t’yeux que pour Ma ta me la Marquise de Verneuil
qui était pel le comme les amours, tout magnifiquement fê tue de
vert, et pas moins de douze diamants dans ses beaux cheveux noirs.
    — Comment, Greta ? dis-je, étant déjà grandet, tu
les as comptés ?
    — Nenni, mais en quittant Saint-Germain-l’Auxerrois
pour regagner le Louvre où nous attendait une pel le collation, foi là
le Roi qui tit à la Marquise : « M’amie, vous n’avez que douze
diamants dans les cheveux. Selon la mode qui trotte, vous eussiez dû en avoir
quinze. – D’où je conclus. Sire, lui va répliquer la Marquise, que vous
allez me bailler les trois que j’ai de moins. » La friponne ! Et que pien elle savait jouer du plat de la langue pour appâter son soupirant !
    — Et comment belle était la Marquise ? dis-je.
    —  Foyez-fous cela ! dit Greta. À peine
sorti de l’œuf et un bout de coquille encore sur la tête, foi là notre
petit coquelet qui s’intéresse déjà aux poules ! Pah ! reprit-elle,
oubliant qu’elle venait de dire que Madame de Verneuil était «  pel le
comme les amours », ce n’était rien, après tout, qu’une grande brunasse
avec le teint un peu jaune et une grande bouche !
    Ayant dit, Greta alla, comme à l’accoutumée, chercher mon
acte de baptême dans une cassette que, d’ordre de mon père, on cachait dans le
tiroir secret d’un petit cabinet en bois d’ébène. Me le tendant, elle me requit
de le lire à voix haute, ne sachant pas, quant à elle, épeler ses lettres.
    Il était dit, sur ce beau parchemin, qu’en l’église de
Saint-Germain-l’Auxerrois, Monseigneur Du Perron avait baptisé Pierre-Emmanuel
de Siorac, fils de Monsieur le Marquis de Siorac, et de Mademoiselle Angelina
de Montcalm, Sa Majesté le Roi étant le parrain et Son Altesse, la Duchesse de
Guise, sa marraine. L’onction fut baillée à l’enfant en présence de Sa Majesté,
de Son Altesse, de Monsieur le Marquis de Siorac son père, de Madame la
Marquise de Verneuil, de Monsieur le Duc de Sully, de Monsieur de Villeroi et
de Monsieur de Sillery.
    Ce jour-là, je scrutai les signatures des présents plus
attentivement que je ne l’avais fait jusque-là pour la raison que je
m’appliquai alors à signer moi-même mon nom : entreprise à laquelle,
depuis peu, je donnai tous mes soins, comme si mon caractère, ma bonne ou
mauvaise fortune, mon avancement dans l’État, mes futures amours, que dis-je,
ma vie entière eussent dépendu d’un paraphe joliment dessiné.
    — Mais Greta, dis-je, d’où vient que ma mère n’a point
signé ?
    — Pour ce qu’elle n’était point là, dit Greta.
    — Quoi ? Absente au baptême de son fils ?
Était-elle mal allante ?
    — Je ne sais, mon mignon, dit Greta, il te faudra le te mander
à Monsieur le Marquis.
    — Et pourquoi m’a-t-on donné le même prénom que mon
frère Pierre qui a quinze ans de plus que moi ?
    — Parce que la tu chesse l’a voulu ainsi.
    — Et pourquoi n’est-ce pas ma mère qui en a décidé ?
    — Je ne sais.
    — Et pourquoi suis-je élevé céans au lieu d’être avec
elle à Montfort-l’Amaury ?
    — Mon mignon, dit Greta, fort troublée, n’aimez-vous
pas fo tre père et ne suis-je rien pour fous, non plus que
Mariette, et nous tous ici, qui sommes de fous si raffolés ?
    Ce disant, des larmes roulaient de son œil bleu sur ses
belles joues roses.
    — Ah ! Greta ! dis-je en me jetant dans ses
bras, bien tu le sais ! J’aime mon père de grande amour, et toi aussi, et
tous en ce logis !
    Greta était la liebchen du géantin laquais Franz qui
se trouvait dans l’emploi de la Duchesse de Montpensier quand mon père le
connut. Il serait mort de faim pendant le siège de Paris, si mon père ne
l’avait secouru de quelques viandes, car le pauvre en était rendu, et sa liebchen aussi, au point de manger en catimini les chandelles de sa maîtresse –
laquelle, le siège levé, le lui imputa à crime et le désoccupa. Mon père le
prit alors à son service, en fit son maggiordomo et en fut fort
satisfait, car Franz régnait
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