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La vengeance d'isabeau

La vengeance d'isabeau

Titel: La vengeance d'isabeau
Autoren: Mireille Calmel
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fille et celui d’une mère. La mutation dura un long moment, dans une aube qui n’en finissait plus de la nimber de lumière. Puis le corps se stabilisa et s’immobilisa : un corps de femme aux cheveux gris, qui se redressa lentement, étonnée et émue.
    —  Je suis revenue, murmura une voix perdue.
    —  Oh ! Maman ! s’exclama Marie comme Loraline lui ouvrait les bras, des larmes dans son regard de mousse.
    Elle s’y jeta tandis que Philippus refermait les siens sur elles. Lévi se mit à battre des mains comme un enfant émerveillé. Mais cet instant volé à une éternité d’attente ne dura pas. Marie s’écarta au gémissement de son père.
    —  Il faut le conduire à l’hôpital, réagit Loraline en couvrant Philippus de baisers.
    —  Pourquoi ? Mère, pourquoi ? S’affola Marie.
    —  Non, non, gémit Philippus en leur prenant les mains. Cela ne servirait à rien. Je veux me nourrir de toi, mon amour, jusqu’à la fin. Tu es restée si belle, s’attendrit-il en parcourant d’un doigt tendre les fines rides qui couvraient le visage de Loraline.
    —  Je n’étais pas malheureuse, Philippus. J’étais avec les miens, et c’était bon de vous aimer, de vous protéger. J’aurais tant voulu…
    —  Moi aussi, la coupa-t-il, mais tu le sais, tout excès doit se payer. Notre destin n’était pas de vivre autrement. Je vais mourir en paix.
    —  Mais qui parle de nous quitter ! S’emporta Marie qui refusait de voir que son père agonisait. Père, je t’en prie ! La camarde n’a aucune raison de vouloir t’emporter !
    —  Elle en a une, si, Marie.
    Il lui prit les mains et les serra entre les siennes.
    —  L’antidote a agi, mais il ne m’a pas sauvé. Je suis malade. Ta mère le savait. La boisson, la chère en médiocrité comme en excès en sont la cause. Regarde mon abdomen, mes viscères sont gonflés. Mon foie est atteint autant que l’estomac. Je me savais condamné et ma plus grande crainte était de partir avant d’avoir réalisé mon rêve et le tien. Le poison a accéléré l’usure. Ton sang, outre l’antidote qu’il contient, m’a redonné un semblant de vie, mais ce n’est pas suffisant. Je suis en hémorragie. Mon être s’en remplit et je la sens qui m’emporte comme une houle doucereuse. Je ne souffre pas. Vois même, je suis heureux de ce que nous avons accompli, heureux de vous voir réunies toutes les deux, pour la première fois comme pour la dernière fois à mes yeux.
    —  Je ne te laisserai pas mourir. Nous allons te transporter à l’hôpital, n’est-ce pas, mère ?
    —  Oui, Marie. Il n’est peut-être pas trop tard. Je t’en prie, Philippus, insista Loraline. Laisse-nous essayer de te sauver. Je ne peux rester les bras ballants quand tu as tant donné des tiens.
    —  Va chercher un drap dans une des chambres pour en faire une civière, demanda Marie au prêtre.
    Voyant soudain la nudité sauvage et parfaite de Loraline, elle s’adressa à elle avec pudeur :
    —  Il faut te couvrir, mère.
    Loraline lui sourit et Marie put lire dans ses yeux combien la bienséance en cet instant lui était indifférente. Elle s’empourpra et demeura immobile.
    —  Rapporte-moi l’habit que tu voudras, lui accorda Loraline. Je reste là.
    Marie se releva, hésita un instant puis sortit de la pièce. Si son père devait s’éteindre, ce serait la seule occasion pour eux d’avoir un peu d’intimité. Elle croisa Lévi qui remontait et l’arrêta :
    —  J’ai besoin d’une tisane. Peux-tu m’en préparer ?
    —  Il faut leur laisser ce temps précieux qui leur reste, répondit-il simplement. Je suis navré.
    Après un instant de silence, Marie répliqua :
    —  Vous avez agi selon votre devoir. C’est leur destin, Lévi. Nous n’y changerons plus rien.
    Le prêtre pressa une main affligée sur son épaule, déposa les draps sur le palier puis descendit l’escalier sans rien ajouter. Marie pénétra dans sa chambre. Elle y choisit une robe d’un grenat sombre, presque noir, sobre, qu’elle affectionnait, puis retourna s’asseoir à même le plancher du palier en serrant la soie sur son cœur.
    Lorsque l’Hébreu revint, elle n’avait pas bougé.
     
    Philippus s’éteignit à la fin de l’après-midi de ce 24 septembre 1541, un sourire aux lèvres, dans un sommeil qui peu à peu l’avait entraîné loin de la réalité. Mère et fille ne le quittèrent pas dès lors que les médecins confirmèrent son diagnostic,
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