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La Sorcière

La Sorcière

Titel: La Sorcière
Autoren: Jules Michelet
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son cœur. Et il lui fait dire froidement cette chose impie et immonde : « Lui fini, je passerai à d'autres ; la jeune race succombera à ma fureur. »
Le moyen âge habille grotesquement cette tradition pour nous faire peur du Diable Vénus . Sa statue reçoit d'un jeune homme une bague qu'il lui met imprudemment au doigt. Elle la serre, la garde comme fiancée, et, la nuit, vient dans son lit en réclamer les droits. Pour le débarrasser de l'infernale épouse, il faut un exorcisme. — Même histoire dans les fabliaux, mais appliquée sottement à la Vierge. — Luther reprend l'histoire antique, si ma mémoire ne me trompe, dans ses Propos de table , mais fort grossièrement, en faisant sentir le cadavre. — L'Espagnol del Rio la transporte de Grèce en Brabant. La fiancée meurt peu avant ses noces. On sonne les cloches des morts. Le fiancé désespéré errait dans la campagne. Il entend une plainte. C'est elle-même qui erre sur la bruyère... « Ne vois-tu pas, dit-elle, celui qui me conduit ? — Non. » — Mais il la saisit, l'enlève, la porte chez lui. Là, l'histoire risquait fort de devenir trop tendre et trop touchante. Ce dur inquisiteur, del Rio, en coupe le fil. « Le voile levé, dit-il, on trouva une bûche vêtue de la peau d'un cadavre. » — Le juge le Loyer, quoique si peu sensible, nous restitue pourtant l'histoire primitive.
Après lui, c'est fait de tous ces tristes narrateurs. L'histoire est inutile. Car notre temps commence, et la Fiancée a vaincu. La Nature enterrée revient, non plus furtivement, mais maîtresse de la maison.

II
    Pourquoi le moyen-âge désespéra
    « Soyez des enfants nouveau-nés ( quasi modo geniti infantes ) ; soyez tout petits, tout jeunes par l'innocence du cœur, par la paix, l'oubli des disputes, sereins, sous la main de Jésus. »
    C'est l'aimable conseil que donne l'Église à ce monde si orageux, le lendemain de la grande chute. Autrement dit : « Volcans, débris, cendres, lave verdissez. Champs brûlés, couvrez-vous de fleurs. » Une chose promettait, il est vrai, la paix qui renouvelle : toutes les écoles étaient finies, la voie logique abandonnée.
    Une méthode infiniment simple dispensait du raisonnement, donnait à tous la pente aisée qu'il ne fallait plus que descendre. Si le credo était obscur, la vie était toute tracée dans le sentier de la légende. Le premier mot, le dernier fut le même : Imitation .
    «  Imitez , tout ira bien. Répétez et copiez. » Mais est-ce bien là le chemin de la véritable enfance , qui vivifie le cœur de l'homme, qui lui fait retrouver les sources fraîches et fécondes ? Je ne vois d'abord dans ce monde, qui fait le jeune et l'enfant, que des attributs de vieillesse, subtilité, servilité, impuissance. Qu'est-ce que cette littérature devant les monuments sublimes des Grecs et des Juifs ? même devant le génie romain ? C'est précisément la chute littéraire qui eut lieu dans l'Inde, du brahmanisme au bouddhisme ; un verbiage bavard après la haute inspiration. Les livres copient les livres, les églises copient les églises, et ne peuvent plus même copier. Elles se volent les unes les autres. Des marbres arrachés de Ravenne, on orne Aix-la-Chapelle. Telle est toute cette société. L'évêque roi d'une cité, le barbare roi d'une tribu, copient les magistrats romains. Nos moines, qu'on croit originaux, ne font dans leur monastère que renouveler la villa (dit très-bien Chateaubriand). Ils n'ont nulle idée de faire une société nouvelle, ni de féconder l'ancienne. Copistes des moines d'Orient, ils voudraient d'abord que leurs serviteurs fussent eux-mêmes de petits moines laboureurs, un peuple stérile. C'est malgré eux que la famille se refait, refait le monde.
    Quand on voit que ces vieillards vont si vite vieillissant, quand, en un siècle, l'on tombe du sage moine saint Benoît au pédantesque Benoît d'Aniane, on sent bien que ces gens-là furent parfaitement innocents de la grande création populaire qui fleurit sur les ruines : je parle des Vies des saints. Les moines les écrivirent, mais le peuple les faisait. Cette jeune végétation peut jeter des feuilles et des fleurs par les lézardes de la vieille masure romaine convertie en monastère, mais elle n'en vient pas à coup sur. Elle a sa racine profonde dans le sol ; le peuple l'y sème, et la famille l'y cultive, et tous y mettent la main, les hommes, les femmes et les enfants ha vie précaire, inquiète,
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