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La Sorcière

La Sorcière

Titel: La Sorcière
Autoren: Jules Michelet
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se moqua des dieux ténébreux, des Cabires ventrus, et elle les toléra pourtant, les adopta comme ouvriers, si bien qu'elle en fit son Vulcain. Rome, dans sa majesté, accueillit, non-seulement l'Étrurie, mois les dieux rustiques du vieux laboureur italien. Elle ne poursuivit les druides que comme une dangereuse résistance nationale.
    Le christianisme vainqueur voulut, crut tuer l'ennemi. Il rasa l'École, par la proscription de la logique, et par l'extermination des philosophes, qui furent massacrés sous Valens. Il rasa ou vida le Temple, brisa les symboles. La légende nouvelle aurait pu être favorable à la famille, si le père n'y eût été annulé dans saint Joseph, si la mère avait été relevée comme éducatrice, comme ayant moralement enfanté Jésus. Voie féconde qui fut tout d'abord délaissée par l'ambition d'une haute pureté stérile.
    Donc le christianisme entra au chemin solitaire où le monde allait de lui-même, le célibat, combattu en vain par les lois des Empereurs. Il se précipita sur cette pente par le monachisme.
    Mais l'homme au désert fut-il seul ? Le démon lui tint compagnie, avec toutes les tentations. Il eut beau faire, il lui fallut recréer des sociétés, des cités de solitaires. On sait ces noires villes de moines qui se formèrent en Thébaïde. On sait quel esprit turbulent, sauvage, les anima, leurs descentes meurtrières dans Alexandrie. Ils se disaient troublés, poussés du démon, et ne mentaient pas.
    Un vide énorme s'était fait dans le monde. Qui le remplissait ? Les chrétiens le disent, le démon, partout le démon : Ubique dæmon 3. .
    La Grèce, comme tous les peuples, avait eu ses énergumènes , troublés, possédés des esprits. C'est un rapport tout extérieur, une ressemblance apparente qui ne ressemble nullement. Ici, ce ne sont pas des esprits quelconques. Ce sont les noirs fils de l'abîme, idéal de perversité. On voit partout dès lors errer ces pauvres mélancoliques qui se haïssent, ont horreur d'eux-mêmes. Jugez, en effet, ce que c'est, de se sentir double, d'avoir foi en cet autre , cet hôte cruel qui va, vient, se promène en vous, vous fait errer où il veut, aux déserts, aux précipices. Maigreur, faiblesse croissantes. Et plus ce corps misérable est faible, plus le démon l'agite. La femme surtout est habitée, gonflée, soufflée de ces tyrans. Ils l'emplissent d' aura infernale, y font l'orage et la tempête, s'en jouent, au gré de leur caprice, la font pécher, la désespèrent.
    Ce n'est pas nous seulement, hélas ! c'est toute la nature qui devient démoniaque. Si le diable est dans une fleur, combien plus dans la forêt sombre ! La lumière qu'on croyait si pure est pleine des enfants de la nuit. Le ciel plein d'enfer ! quel blasphème ! L'étoile divine du matin, dont la scintillation sublime a plus d'une fois éclairé Socrate, Archimède ou Platon, qu'est-elle devenue ? Un diable, le grand diable Lucifer . Le soir, c'est le diable Vérnus , qui m'induit en tentation dans ses molles et douces clartés.
    Je ne m'étonne pas si cette société devient terrible et furieuse. Indignée de se sentir si faible contre les démons, elle les poursuit partout, dans les temples, les autels de l'ancien culte d'abord, puis dans les martyrs païens. Plus de festins ; ils peuvent être des réunions idolâtriques. Suspecte est la famille même ; car l'habitude pourrait la réunir autour des lares antiques. Et pourquoi une famille ? L'Empire est un empire de moines.
    Mais l'individu lui-même, l'homme isolé et muet, regarde le ciel encore, et dans les astres retrouve et honore ses anciens dieux. « C'est ce qui fait les famines, dit l'empereur Théodose, et tous les fléaux de l'empire. » Parole terrible qui lâche sur le païen inoffensif l'aveugle rage populaire. La loi déchaîne à l'aveugle toutes les fureurs contre la loi.
    Dieux anciens, entrez au sépulcre. Dieux de l'amour, de la vie, de la lumière, éteignez-vous ! Prenez le capuche du moine. Vierges, soyez religieuses. Épouses, délaissez vos époux ; ou, si vous gardez la maison, restez pour eux de froides sœurs.
    Mais tout cela, est-ce possible ? qui aura le souffle assez fort pour éteindre d'un seul coup la lampe ardente de Dieu ? Cette tentative téméraire de piété impie pourra faire des miracles étranges, monstrueux... Coupables, tremblez !
    Plusieurs fois, dans le moyen âge, reviendra la sombre histoire de la Fiancée de Corinthe. Racontée de
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