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La Sorcière

La Sorcière

Titel: La Sorcière
Autoren: Jules Michelet
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disant : « Le grand Pan est mort. »
    L'antique dieu universel de la Nature était fini. Grande joie. On se figurait que, la Nature étant morte, morte était la tentation. Troublée si longtemps de l'orage, l'âme humaine va donc reposer.
    S'agissait-il simplement de la fin de l'ancien culte, de sa défaite, de l'éclipse des vieilles formes religieuses ? Point du tout. En consultant les premiers monuments chrétiens, on trouve à chaque ligne l'espoir que la Nature va disparaître, la vie s'éteindre, qu'enfin on touche à la fin du monde. C'en est fait des dieux de la vie, qui en ont si longtemps prolongé l'illusion. Tout tombe, s'écroule, s'abîme. Le Tout devient le Néant : « Le grand Pan est mort ! »
    Ce n'était pas une nouvelle que les dieux dussent mourir. Nombre de cultes anciens sont fondés précisément sur l'idée de la mort des dieux. Osiris meurt, Adonis meurt, il est vrai, pour ressusciter. Eschyle, sur le théâtre même, dans ces drames qu'on ne jouait que pour les fêtes des dieux, leur dénonce expressément, par la voix de Prométhée, qu'un jour ils doivent mourir. Mais comment ? vaincus, et soumis aux Titans, aux puissances antiques de la Nature.
    Ici, c'est bien autre chose. Les premiers chrétiens, dans l'ensemble et dans le détail, dans le passé, dans l'avenir, maudissent la Nature elle-même. Ils la condamnent tout entière, jusqu'à voir le mal incarné, le démon dans une fleur 1. . Viennent donc, plus tôt que plus tard, les anges qui jadis abîmèrent les villes de la mer Morte. Qu'ils emportent, plient comme un voile la vaine figure du monde, qu'ils délivrent enfin les saints de cette longue tentation.
    L'Évangile dit : « Le jour approche. » Les Pères disent : « Tout à l'heure. » L'écroulement de l'Empire et l'invasion des Barbares donnent espoir à saint Augustin qu'il ne subsistera de cité bientôt que la cité de Dieu.
    Qu'il est pourtant dur à mourir, ce monde, et obstiné à vivre ! Il demande, comme Ézéchias, un répit, un tour de cadran. Eh bien, soit, jusqu'à l'an Mille. Mais après, pas un jour de plus.
     
    Est-il bien sûr, comme on l'a tant répété, que les anciens dieux fussent finis, eux-mêmes ennuyés, las de vivre ! qu'ils aient, de découragement, donné presque leur démission ? que le christianisme n'ait eu qu'à souffler sur ces vaines ombres ?
    On montre ces dieux dans Rome, on les montre dans le Capitole, où ils n'ont été admis que par une mort préalable, je veux dire en abdiquant ce qu'ils avaient de sève locale, en reniant leur patrie, en cessant d'être les génies représentant les nations. Pour les recevoir, il est vrai, Rome avait pratiqué sur eux une sévère opération, les avait énervés, pâlis. Ces grands dieux centralisés étaient devenus, dans leur vie officielle, de tristes fonctionnaires de l'empire romain. Mais cette aristocratie de l'Olympe, en sa décadence, n'avait nullement entraîné la foule des dieux indigènes, la populace des dieux encore en possession de l'immensité des campagnes, des bois, des monts, des fontaines, confondus intimement avec la vie de la contrée. Ces dieux logés au cœur des chênes, dans les eaux fuyantes et profondes, ne pouvaient en être expulsés.
    Et qui dit cela ? c'est l'Église. Elle se contredit rudement. Quand elle a proclame leur mort, elle s'indigne de leur vie de siècle en siècle, par la voix menaçante de ses conciles 2. , elle leur intime de mourir... Eh quoi ! ils sont donc vivants ?
    « Ils sont des démons... » — Donc, ils vivent. Ne pouvant en venir à bout, on laisse le peuple innocent les habiller, les déguiser. Par la légende, il les baptise, les impose à l'Église même. Mais, du moins, sont-ils convertis ? Pas encore. On les surprend qui sournoisement subsistent en leur propre nature païenne.
    Où sont-ils ? Dans le désert, sur la lande, dans la forêt ? Oui, mais surtout dans la maison. Ils se maintiennent au plus intime des habitudes domestiques. La femme les garde et les cache au ménage et au lit même. Ils ont là le meilleur du monde (mieux que le temple), le foyer.
     
    Il n'y eut jamais de révolution si violente que celle de Théodose. Nulle trace dans l'antiquité d'une telle proscription d'aucun culte. Le Perse adorateur du feu, dans sa pureté héroïque, peut outrager les dieux visibles, mais il les laissa subsister. Il fut très-favorable aux Juifs, les protégea, les employa. La Grèce, fille de la lumière,
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