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La Sorcière

La Sorcière

Titel: La Sorcière
Autoren: Jules Michelet
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ses degrés, est poésie, seconde vue, pénétration perçante, la parole naïve et rusée, la faculté surtout de se croire en tous ses mensonges. Don ignoré du sorcier mâle. Avec lui, rien n'eût commencé.
    De ce don un autre dérive, la sublime puissance de la conception solitaire , la parthénogenèse que nos physiologistes reconnaissent maintenant dans les femelles de nombreuses espèces pour la fécondité du corps, et qui n'est pas moins sûre pour les conceptions de l'esprit.
     
    Seule, elle conçut et enfanta. Qui ? Une autre elle-même qui lui ressemble à s'y tromper.
    Fils de haine, conçu de l'amour. Car sans l'amour, on ne crée rien. Celle-ci, tout effrayée qu'elle est de cet enfant, s'y retrouve si bien, se complaît tellement eu cette idole, qu'elle la place à l'instant sur l'autel, l'honore, s'y immole, et se donne comme victime et vivante hostie. Elle-même bien souvent le dira à son juge : « Je ne crains qu'une chose : souffrir trop peu pour lui. » ( Lancre .)
    Savez-vous bien le début de l'enfant ? C'est un terrible éclat de rire. N'a-t-il pas sujet d'être gai, sur sa libre prairie, loin des cachots d'Espagne et des emmurés de Toulouse. Son in pace n'est pas moins que le monde. Il va, vient, se promène. A lui la forêt sans limite ! à lui la lande des lointains horizons ! à lui toute la terre dans la rondeur de sa riche ceinture ! La sorcière lui dit tendrement : « Mon Robin  » du nom de ce vaillant proscrit, le joyeux Robin Hood, qui vit sous la verte fouillée. Elle aime aussi à le nommer du petit nom de Verdelet, Joli-bois, Vertbois . Ce sont les lieux favoris de l'espiègle. A peine eut-il vu un buisson, qu'il fit l' école buissonnière .
     
    Ce qui étonne, c'est que du premier coup la Sorcière vraiment fit un être. Il a tous les semblants de la réalité. On l'a vu, entendu. Chacun peut le décrire.
    Les saints, ces bien-aimés, les fils de la maison, se remuent peu, contemplent, rêvent ; ils attendent en attendant , sûrs qu'ils auront leur part d'Élus. Le peu qu'ils ont d'actif se concentre dans le cercle resserré de l' Imitation (ce mot est tout le moyen âge). — Lui, le bâtard maudit, dont la part n'est rien que le fouet, il n'a garde d'attendre. Il va cherchant et jamais ne repose. Il s'agite, de la terre au ciel. Il est fort curieux, fouille, entre, sonde, et met le nez partout. Du Consummatum est il se rit, il se moque. Il dit toujours : « Plus loin ! » — et « En avant ! »
    Du reste, il n'est pas difficile. Il prend tous les rebuts ; ce que le ciel jette, il ramasse. Par exemple, l'Église a jeté la Nature, comme impure et suspecte. Satan s'en saisit, s'en décore. Bien plus, il l'exploite et s'en sert, en fait jaillir des arts, acceptant le grand nom dont on veut le flétrir, celui de Prince du monde .
    On avait dit imprudemment : « Malheur à ceux qui rient ! » C'était donner d'avance à Satan une trop belle part, le monopole du rire et le proclamer amusant . Disons plus : nécessaire . Car le rire est une fonction essentielle de notre nature. Comment porter la vie, si nous ne pouvons rire, tout au moins parmi nos douleurs ?
    L'Église, qui ne voit dans la vie qu'une épreuve, se garde de la prolonger. Sa médecine est la résignation, l'attente et l'espoir de la mort. — Vaste champ pour Satan. Le voila médecin, guérisseur des vivants. — Bien plus, consolateur : il a la complaisance de nous montrer nos morts, d'évoquer les ombres aimées.
    Autre petite chose rejetée de l'Église, la Logique, la libre Raison. C'est là la grande friandise dont l' autre avidement se saisit.
    L'Église avait bâti à chaux et à ciment un petit in pace , étroit, à voûte basse, éclairé d'un jour borgne, d'une certaine fente. Cela s'appelait l' École . On y lâchait quelques tondus, et on leur disait : « Soyez libres. » Tous y devenaient culs-de-jatte. Trois cents, quatre cents ans confirment la paralysie. Et le point d'Abailard est justement celui d'Occam !
    Il est plaisant qu'on aille chercher là l'origine de la Renaissance. Elle eut lieu, mais comment ? par la satanique entreprise des gens qui ont percé la voûte, par l'effort de damnés qui voulaient voir le ciel. Et elle eut lieu bien plus encore, loin de l'École et des lettrés, dans l' École buissonnière , où Satan fit la classe à la sorcière et au berger.
    Enseignement hasardeux, s'il en fut, mais dont les hasards même exaltaient l'amour curieux, le
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