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La Sorcière

La Sorcière

Titel: La Sorcière
Autoren: Jules Michelet
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de ces temps de violence, rendait ces pauvres tribus imaginatives, crédules pour leurs propres rêves, qui les rassuraient, Rêves étranges, riches de miracles, de folies absurdes et charmantes.
    Ces familles, isolées dans la forêt, dans la montagne (comme on vit encore au Tyrol, aux Hautes-Alpes), descendant un jour par semaine, ne manquaient pas au désert d'hallucinations. Un enfant avait vu ceci, une femme avait rêvé cela. Un saint tout nouveau surgissait. L'histoire courait dans la campagne, comme en complainte, rimée grossièrement. On la chantait et la dansait le soir au chêne de la fontaine. Le prêtre qui, le dimanche, venait officier dans la chapelle des bois trouvait ce chant légendaire déjà dans toutes les bouches. Il se disait : « Après tout, l'histoire est belle, édifiante... Elle fait honneur à l'Église. Vox populi, vox Dei !... . Mais comment l'ont-ils trouvée ? » On lui montrait des témoins véridiques, irrécusables, l'arbre, la pierre, qui ont vu l'apparition, le miracle. Que dire à cela ?
    Rapportée à l'abbaye, la légende trouvera un moine, propre à rien , qui ne sait qu'écrire, qui est curieux, qui croit tout, toutes les choses merveilleuses. Il écrit celle-ci, la brode de sa plate rhétorique, gâte un peu. Mais la voici consignée et consacrée, qui se lit au réfectoire, bientôt à l'église. Copiée, chargée, surchargée d'ornements souvent grotesques, elle ira de siècle en siècle, jusqu'à ce que honorablement elle prenne rang à la fin dans la Légende dorée.
     
    Lorsqu'on lit encore aujourd'hui ces belles histoires, quand on entend les simples, naïves et graves mélodies où ces populations rurales ont mis tout leur jeune cœur, on ne peut y méconnaître un grand souffle, et l'on s'attendrit en songeant quel fut leur sort.
    Ils avaient pris à la lettre le conseil touchant de l'Église : « Soyez des enfants nouveau-nés. » Mais ils en firent l'application à laquelle on songeait le moins dans la pensée primitive. Autant le christianisme avait craint, haï la Nature, autant ceux-ci l'aimèrent, la crurent innocente, la sanctifièrent, même en la mêlant à la légende.
    Les animaux que la Bible si durement nomme les velus , dont le moine se défie, craignant d'y trouver des démons, ils entrent dans ces belles histoires de la manière la plus touchante (exemple, la biche qui réchauffe, console Geneviève de Brabant).
    Même hors de la vie légendaire, dans l'existence commune, les humbles amis du foyer, les aides courageux du travail, remontent dans l'estime de l'homme. Ils ont leur droit 5. . Ils ont leurs fêtes. Si, dans l'immense bonté de Dieu, il y a place pour les plus petits, s'il semble avoir pour eux une préférence de pitié, « pourquoi, dit le peuple des champs, pourquoi mon âne n'aurait-il pas entrée à l'église ? Il a des défauts, sans doute, et ne me ressemble que plus. Il est rude travailleur, mais il a la tète dure ; il est indocile, obstiné, entêté, enfin, c'est tout comme moi. »
    De là les fêtes admirables, les plus belles du moyen âge, des Innocents , des Fous , de l' Ane . C'est le peuple même d'alors, qui, dans l'âne, traîne son image, se présente devant l'autel, laid, risible, humilié ! Touchant spectacle ! Amené par Balaam, il entre solennellement entre la Sibylle et Virgile 6. , il entre pour témoigner. S'il regimba jadis contre Balaam, c'est qu'il voyait devant lui le glaive de l'ancienne loi. Mais ici la Loi est finie, et le monde de la Grâce semble s'ouvrir à deux battants pour les moindres, pour les simples. Le peuple innocemment le croit. De là la chanson sublime où il disait à l'âne, comme il se fût dit à lui-même :
    A genoux, et dis Amen !
    Assez mangé d'herbe et de foin !
    Laisse les vieilles choses, et va !
    . . . . . . . . . . .
    Le neuf emporte le vieux !
    La vérité fait fuir l'ombre !
    La lumière chasse la nuit 7.  !
    . . . . . . . . . . .
    Rude audace ! Est-ce bien là ce qu'on vous demandait, enfants emportés, indociles, quand on vous disait d'être enfants ? On offrait le lait. Vous buvez le vin. On vous conduisait doucement bride en main sur l'étroit sentier. Doux, timides, vous hésitiez d'avancer. Et tout à coup la bride est cassée... La carrière, vous la franchissez d'un seul bond.
    Oh ! quelle imprudence ce fut de vous laisser faire vos saints, dresser l'autel, le parer, le charger, l'enterrer de fleurs ! Voilà qu'on le
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