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La Revanche de Blanche

La Revanche de Blanche

Titel: La Revanche de Blanche
Autoren: Emmanuelle Boysson (de)
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elle entre chez un bijoutier, propose à la vendeuse le bracelet.
    — De belles pierres. Ça vaut pas grand-chose, grimace la rouquine. À peine cinquante livres. Votre nom, votre adresse : il faut qu’on puisse vous retrouver si c’est un faux.
    Blanche hésite.
    — Ne vous en faites pas. Beaucoup de dames fauchées nous font confiance, ajoute la femme d’un sourire édenté.
    Blanche décline son identité, empoche l’argent. Devant la boutique, un cavalier descend d’une monture harnachée de plumes d’oie. Hugo, le patron du bordel de Ménilmontant ! Elle décampe.
    Rue de la Vieille-Lanterne, Marc la sermonne :
    — Tu es folle ! Les arrestations n’arrêtent pas. Mon éditeur m’a dit que Guibourg avait parlé. Le vieux salaud a tout balancé : les saletés sous son calice, les bébés volés, les dates des messes noires, les noms des participants, de ses complices… La Filastre s’est fait coffrer. Sa patronne, Madeleine Chappelain, aurait fomenté la mort de Colbert. L’ancienne femme de chambre de la Montespan a reconnu que celle-ci lui avait commandé du poison pour faire mourir à petits feux la Fontanges. La pauvre fille ne va pas tarder à rendre l’âme…
    — Que Dieu la garde !
    — Ton frère fait la navette entre le cabinet du roi et l’Arsenal. Le roi suit le dossier heure par heure. Il n’arrive pas à croire que la mère de ses enfants soit coupable. La Des Œillets va être interrogée. Ne bouge plus d’ici, je t’en supplie.
     
    Ce soir-là, Marc se rend à son cercle d’écrivains et fait promettre à Blanche de n’ouvrir à personne. Adossée à un oreiller, elle lit Phèdre publiée dans les œuvres complètes de Racine. Sa vie de comédienne lui paraît lointaine, presque un songe. Elle se souvient de la représentation des Précieuses ridicules dans le salon de Mme du Plessis-Guénégaud, de sa révélation.
    Au rez-de-chaussée, un brouhaha la tire de sa nostalgie. Elle s’enferme dans la malle. Deux hommes fracassent sa porte à coups de hache, renversent les meubles, fouillent. Blanche se recroqueville. Une main attrape une touffe de ses cheveux. Un moustachu la hisse hors du coffre. Elle le griffe, le mord. Le balafré lui ligote les mains : « Tu croyais qu’on ne te trouverait pas, sorcière ! » crie-t-il en la poussant vers l’escalier. Sur le pavé, les bandits la jettent dans une voiture, claquent la portière. Brinquebalée, Blanche est persuadée qu’on l’emmène à l’Arsenal. Après un court trajet, la calèche s’arrête rue de Taranne. Elle s’étonne de se trouver devant la maison des Montespan. Les hommes de main la font monter au premier. Robe parme, visage fermé, Athénaïs la toise. À ses côtés, un magistrat flottant dans une longue robe rouge la scrute derrière ses lunettes rondes. Près de la fenêtre, un noir torse nu gonfle ses biceps. Sur une table, des brodequins, des chaînes… Blanche pousse un cri d’horreur.
    — Approche, ma petite, susurre Athénaïs. Je te présente monsieur de la Roquette, membre de la Chambre ardente. Il faudra que tu lui dises toute la vérité, rien que la vérité. Il prendra des notes, les soumettra à La Reynie et au roi. Tu es une femme intelligente, n’est-ce pas ? Parfois, comment dire ? Pour te mettre en valeur, tu transformes les choses à ton avantage.
    Athénaïs se tourne vers le magistrat :
    — Monsieur, mon devoir est de vous prouver que les accusations faites à mon sujet par la Voisin, sa fille, l’abbé Guibourg et la Filastre ne sont qu’allégations. Ma dame de compagnie que voici vous confirmera qu’elle est la seule et l’unique coupable dans cette affaire.
    Le grand noir, un sabre passé dans sa ceinture, s’approche de Blanche, la renifle.
    — Lorsque je t’ai rencontrée au théâtre avec Ninon, tu étais encore une enfant. Tes grands yeux verts m’ont attendrie, poursuit Athénaïs. Ta douceur m’a touchée. Tu voulais être comédienne ; tu n’avais aucune connaissance à la Cour. Je t’y ai introduite. Le roi était épris de Louise ; je ne cherchais qu’à m’amuser. Je l’ai séduit. Je me suis refusée. Un soir, dans les Flandres, je me suis abandonnée. Tu en as été l’unique témoin. Tu as su garder nos secrets et je t’en remercie. Lors de l’affaire de la lettre espagnole, je t’ai chargée d’espionner Olympe et Aglaé. Tu les as suivies jusque chez la Voisin. Ces vipères souhaitaient faire disparaître le roi et
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