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La Revanche de Blanche

La Revanche de Blanche

Titel: La Revanche de Blanche
Autoren: Emmanuelle Boysson (de)
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oublier ce cauchemar.
    Pendant huit jours, elle ne sort de ce refuge d’araignées et de souris que la nuit, pour se jeter sur les pâtés et les confitures du garde-manger ou s’aventurer dans les ruelles du Marais à la recherche de fruits pourris. Dans la journée, pelotonnée dans des couvertures, elle guette les allées et venues des troufions. On la recherche, elle en est sûre.
     
    Le 22 février 1680, le tambour de ville la réveille en sursaut :
    — Ce soir, à cinq heures, la Voisin, la plus grande sorcière de tous les temps, sera mise à mort. Venez assister au jugement de Dieu de la parjure.
    En fin d’après-midi, la tête couverte d’une capuche, Blanche se fond dans la foule. Place de Grève, badauds, gueux, bourgeois et curés, ils sont tous là, venus avec leurs marmots, leur dame ou leurs gens. Langue pendante, ils bavent de plaisir. Un tombereau tiré par un taureau apparaît. À son bord, la Voisin. Vêtue de bure, pieds nus, les yeux révulsés par les crachats et les injures. Le bourreau, M. Guillaume, une de ses anciennes faiblesses, la fait monter sur le bûcher, l’enchaîne à un poteau. Le père Petiot ouvre son missel.
    — Mon père, je veux soulager ma conscience, s’écrie la Voisin. Je suis victime de personnes haut placées qui se sont adressées à moi, poussées par la débauche.
    Le public réclame des noms. Les oreilles de Blanche bourdonnent. Elle perd pied. La Voisin implore l’exécuteur :
    — Elle va me sauver. Tu as reçu des ordres, n’est-ce pas ? Délivre-moi, bon sang !
    Athénaïs lui a promis la grâce en échange de son silence, comprend Blanche. La vieille va tomber de haut. Le bourreau force l’empoisonneuse à s’asseoir, lui lie les mains avec du fil de fer, la couvre de paille. Elle se débat, pousse des cris d’orfraie. L’assistant de M. Guillaume allume le feu. Lorsqu’elle disparaît dans la fumée, la foule fait éclater sa joie. Blanche fuit vers son grenier.
     
    Deux jours plus tard, à cinq heures du matin, elle traverse le Pont-Neuf. Sur les pavés, un exemplaire de La Gazette abandonné. À la une : « Le roi étend la compétence de la Chambre ardente aux sacrilèges, impiétés, profanations et exposition de fausse monnaie. » La place Royale est occupée. Des soldats tambourinent aux porches des hôtels des Rohan-Guéméné, des Maure, des Soubise… Blanche déguerpit vers la rue de Vieille-Lanterne. Marc est là, à son poste, la plume à la main :
    — Que fais-tu ici ? Tu as l’air apeuré, entre… Il ne fait pas bon sortir par les temps qui courent.
    — Je suis recherchée ! Je ne sais plus où me cacher, hoquette Blanche.
    — Calme-toi, petite. Tu es à l’abri chez moi.
    Elle lui raconte ses mésaventures.
    — Tu vas t’installer à l’étage, propose Marc. Tu ne descendras que la nuit. Deux bouchers ont été arrêtés pour avoir fourni du sang de mouton et des abats à des curés sataniques. Si on vient fouiller ma maison, tu te cacheras dans le coffre.
    Entourée des meubles et des livres de son père, Blanche se sent en sécurité. Sur un buffet, le panier d’Émilie, la plume de Ronan. Marc lui apporte des pommes et du lait. Elle dévore un recueil de Villon et s’endort sur le lit où ses parents s’aimèrent. Au bout de trois jours, elle s’habitue à sa vie clandestine. Lectures le jour, grandes discussions avec Marc, le soir. Un matin, elle décroche un rideau, se coud une jupe dans un velours vert. Marc lui apporte son souper :
    — Tu es magnifique, un peu voyante, tout de même. Ne sors surtout pas dans cette tenue. J’ai croisé le vieux La Rochefoucauld. Angélique de Fontanges s’affaiblit de jour en jour… Elle se serait retirée à l’abbaye de Maubuisson et aurait accusé Athénaïs de l’avoir empoisonnée.
     
    Le ciel de mai est si bleu, l’air si doux, qu’un matin où Marc est parti discuter le bout de gras avec son éditeur, Blanche ne résiste pas à l’envie de se promener. Elle espère vendre le bracelet du roi à bon prix. Il est resté dans le grenier. Les rues grouillent de chanteurs, jongleurs, montreurs d’ours. Place royale, le porche de son hôtel est ouvert. Des Bohémiens ont envahi la maison. Des gosses gambadent dans l’escalier, des femmes allaitent, des hommes se font griller des saucisses. Elle enjambe des manouches endormis, attrape sa cassette et se jure de faire le ménage dès qu’elle reviendra. Près de l’église des Blancs-Manteaux,
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