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La reine de Saba

La reine de Saba

Titel: La reine de Saba
Autoren: Halter,Marek
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ni
chair, ni sang, ni plumes, ni duvet ? Jamais on ne sait s’il est mort ou
vif, car il demeure immobile dans sa couleur d’or et de lait.
    Salomon
fronça les sourcils. Le silence de la forêt se fit plus lourd. Puis son rire
éclata et se propagea sous les feuillages sculptés.
    — Reine
du Midi, tu me parles d’un œuf ! La salle gronda et applaudit.
    Elle
admira son regard brillant, le plaisir de ses lèvres. Elle aimait ce qu’elle
découvrait. Il lui offrait à nouveau les traits d’un autre homme. Comme si sa
barbe masquait ses mues.
    Elle
lança :
    — C’est
le même : dans la paume, il est doux et chaud, il ne pèse pas plus qu’une
plume, ou bien il est glacé et pèse plus que les roches du désert.
    Il
s’étonna, posa un doigt sur ses lèvres. Son expression s’adoucit et sa voix se
fit plus grave :
    — Tu
me parles de ce nouveau-né que vous portez à la pointe de vos seins, vous, les
femmes, ou bien dans la poussière, selon la volonté de Yahvé, qui décide de la
vie et de la mort.
    Elle
aimait sa manière de répondre. Ce temps qu’il prenait sans se soucier des
visages tournés vers lui. La fermeté soudaine de sa bouche et de son regard et,
tout à coup, son index long, autoritaire, qui se dressait.
    — Dis-moi
ce qui frappe comme un marteau mais demeure invisible bien qu’il paraisse dans
le souffle des mots, froid ou brûlant.
    — Tu
me parles du cœur, reine de Saba.
    Un
brouhaha se répandit dans la salle, qu’il calma d’un geste. Aussitôt après il
chercha ses yeux. Il ne cherchait pas à voir son corps, seulement ses yeux.
    — Ma
mère m’a laissé deux trésors, dit-elle. L’un vient de la nuit de la terre. Elle
l’a creusé d’un passage. L’autre vient des abîmes de la mer Pourpre, c’est moi
qui l’ai percé d’un orifice.
    — La
pierre d’or que je vois à ton doigt est le premier don de ta mère. Le second
est la perle qui pend à ton oreille, fille de Bilqîs.
    Quand il
répondait vite, que l’énigme était trop simple, il la contemplait avec
tendresse. Ses yeux caressaient mais sa bouche se moquait. Elle devait faire un
effort pour ne pas baisser les paupières.
    Elle prit
une voix plus lourde et plus rapide :
    — Sept
cessent, neuf commencent, deux offrent à boire, un seul a bu.
    Il dut
chercher, les narines pincées. C’était elle qui souriait, narquoise, heureuse
de son embarras, du doute qui se devinait dans le silence de la forêt de
cèdres.
    Mais plus
heureuse encore qu’il s’exclamât :
    — Tu
es femme, reine de Saba. La plus belle sur laquelle mes yeux se soient jamais
posés ! Et lorsque cessent les sept jours de ton sang de femme, commencent
les neuf mois de l’enfantement afin que tes deux seins, ô le bonheur du
nouveau-né ! deviennent la fontaine de l’enfant, l’unique qui saura y
boire.
    Cette
fois, elle inclina la tête avant de lancer l’énigme suivante.
    Puis
encore la suivante. Il répondait à chacune. Cela dura longtemps. Elle
questionnait, il répondait. Sans relâche. L’un et l’autre riant des yeux
jusqu’à ce qu’elle soit certaine qu’elle pourrait questionner sans fin et qu’il
pourrait répondre tout autant.
    — Connais-tu
le tombeau qui va dans le monde sans jamais se séparer de ce qu’il contient et
qui est un chant ?
    — Tu
me parles de la baleine qui emportait Jonas, celui qui chantait pour prévenir
nos malheurs.
    — Qu’est-ce
qui est un souffle du nez, un sens dans le vent tournant et plus rouge que le
soleil au crépuscule ?
    — Le
cœur de l’idiot dans la maison en joie, ô Makéda venue de la mer Pourpre.
    L’ultime
question, elle n’osa la lui offrir que dans un murmure. Il répondit de même.
    — Quel
est ce frôlement qui est le rien, ce rien de rien qui n’a pas même l’apparence
d’une fumée et pourtant emplit jusqu’à éclater celui qui le perçoit ?
    — Le
désir du désir, belle du Midi, toi qui devant mes yeux es montée du désert en
colonnes de fumée.
    *
    **
    Elle lui avait
dit :
    — Ils
ne mentent pas, ceux qui vantent ta sagesse. Ils peuvent provoquer un vacarme
effrayant, je ne me boucherais pas les oreilles.
    La formule
lui avait plu, il avait ri aux éclats. Il découvrait dans ses yeux un trouble
qu’il ne lui connaissait pas encore. Il s’en chauffa les reins pendant tout le
repas qui suivit les énigmes.
    Ils
avaient la gorge sèche, le cœur en feu. Trop pour parler encore.
    La
célébration tumultueuse de la gloire
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