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La règle de quatre

La règle de quatre

Titel: La règle de quatre
Autoren: Ian Caldwell
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fenêtre.
    — Là, quelque part, en train de pincer les fesses de Will Clay.
    — Il t’a fallu combien de temps pour planifier ce coup ? interroge Katie en se tournant vers moi, toujours souriante.
    — Des jours, peut-être une semaine, improvise Gil, qui a compris que je suis incapable d’avouer à Katie que cette mise en scène n’est pas intentionnelle.
    — Impressionnant, rétorque-t-elle. Il me semble pourtant qu’ils ont annoncé de la neige à la météo ce matin seulement.
    — Disons quelques heures, corrige Gil. Peut-être une journée.
    Katie ne me lâche pas des yeux.
    — Laisse-moi deviner. Tu as besoin de vêtements de rechange.
    — Nous en avons besoin tous les trois.
    Katie se dirige vers sa penderie.
    — Il fait plutôt froid dehors. Vous vous les gelez, non ?
    Paul la contemple, les yeux écarquillés.
    — Je peux me servir du téléphone ? demande-t-il, retrouvant ses esprits.
    Elle lui désigne le sans-fil sur le bureau. Je pousse doucement Katie dans la penderie. Elle essaie de se dégager, mais nous basculons sur des rangées de chaussures. Les talons aiguilles se plantent évidemment là où il ne faut pas. Gil et Paul n’ont rien vu, le premier est scotché à la fenêtre, l’autre occupé au téléphone. Vraisemblablement, Gil cherche Charlie des yeux, mais repère un proctor en conversation radio qui s’avance vers l’immeuble.
    — Dis, Katie, ne te casse pas trop la tête, s’impatiente-t-il. Donne-nous la première chose qui te tombe sous la main.
    — Du calme, l’exhorte-t-elle, les bras chargés de vêtements.
    Elle a déniché trois pantalons de jogging, deux tee-shirts et la chemise bleue qui avait disparu de ma garde-robe depuis le mois de mars.
    — C’est le mieux que je puisse faire sans préavis.
    Nous nous empressons d’enfiler les vêtements. Le crachotement de la radio, en bas dans l’entrée, nous fait sursauter. La porte extérieure de l’immeuble se referme dans un bruit sourd.
    Paul raccroche.
    — Il faut que j’aille à la bibliothèque.
    — Filez par-derrière, suggère Katie d’une voix tremblante. Je m’occupe du proctor.
    Avant de refermer la porte, je presse sa main dans la mienne.
    — On se voit plus tard ? demande-t-elle en me lançant un regard plein de promesses.
    Gil étouffe un grognement et nous entraîne dans le couloir. En sortant de l’immeuble, nous entendons la voix de Katie qui interpelle le proctor du haut de l’escalier :
    — Monsieur ! Monsieur ! Pouvez-vous m’aider, s’il vous plaît…
    Quand Gil voit enfin la silhouette du proctor se découper dans la fenêtre de Katie, son visage se détend. À mesure que nous nous éloignons, Holder disparaît derrière un rideau de neige agité par un vent polaire.
    Le campus est pratiquement désert. Sur le chemin de Dod Hall, la chaleur résiduelle du tunnel semble se dissiper, balayée par de minuscules perles de neige qui roulent sur mes joues. Paul marche d’un pas résolu, sans desserrer les mâchoires.

Chapitre 4
    Un livre est responsable de ma rencontre avec Paul. Sans doute aurais-je fini par le croiser à la bibliothèque Firestone ou dans l’un des cours de littérature que nous suivions en première année. Alors pourquoi faire tant de cas de ce livre ? Le fait que celui qui nous réunit soit vieux de cinq siècles et que mon père lui ait sacrifié sa vie n’y est pas étranger.
    L’ Hypnerotomachia Poliphili, ou « Le Combat pour l’amour dans le songe de Poliphile », fut publiée vers 1499, à Venise, par Alde Manuce. Œuvre encyclopédique déguisée en roman, elle traite de tous les sujets possibles, de l’architecture à la zoologie, et fut rédigée dans un style dont la lenteur embarrasserait une tortue. C’est aussi le livre le plus long jamais écrit sur un homme qui s’abandonne à son rêve ; il recalerait Proust — auteur du livre le plus long jamais écrit sur le pouvoir évocateur d’une madeleine — au rang d’un Hemingway. Gageons que les contemporains deL’ Hypnerotomachia se demandaient déjà à quoi pouvait bien correspondre cet enchevêtrement de héros et d’intrigues qui — quoi qu’en ait pensé Alde Manuce, le plus grand imprimeur de son temps — n’ont d’autre point commun que le héros du livre, un dénommé Poliphile. La trame de l’histoire paraît simple : Poliphile fait un rêve étrange au cours duquel il recherche sa bien-aimée. Or la narration est si alambiquée que la plupart
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