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La règle de quatre

La règle de quatre

Titel: La règle de quatre
Autoren: Ian Caldwell
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mime un mouvement de plongée.
    — Dessous, souffle-t-il. Il faut passer dessous.
    À quelques centimètres du sol, sous la canalisation, la paroi est râpée. Il est évident que quelqu’un a déjà essayé de se glisser par là.
    — Impossible, proteste Charlie. On risque de se brûler.
    — Le loquet est de l’autre côté, remarque Gil en montrant le dispositif sur le mur. Il suffit que l’un de nous y arrive pour ouvrir la barrière.
    Il se penche vers Paul.
    — Tu l’as déjà fait ?
    Paul hoche la tête.
    — Il est déshydraté, dit Charlie à voix basse. Qui a encore de l’eau ?
    Gil tend sa bouteille, presque vide.
    — Merci…, hoquette Paul après avoir bu.
    — Mieux vaut rebrousser chemin, suggère Charlie.
    — Non, dis-je. Je vais tenter le coup.
    — Prends mon blouson, propose Gil. Ça te protégera.
    Je pose une main sur la canalisation. Même à travers la gaine isolante, elle est bouillante.
    — Tu ne passeras pas, objecte Charlie. Pas avec le blouson.
    — Alors je me débrouillerai sans.
    Allongé sur le sol, je mesure à quel point l’opération est périlleuse. L’isolant est brûlant. Je rampe sur le ventre en m’efforçant de ne pas effleurer la canalisation.
    — Expire complètement, recommande Gil. Tu te glisseras dessous à ce moment-là.
    Plaqué au sol, j’avance centimètre par centimètre. Soudain, je n’ai plus prise, mes doigts glissent sur la vase. Je suis coincé sous le tuyau.
    — Allez, Tom, intervient Charlie en me saisissant par les pieds, sers-toi de mes mains comme appui.
    Le béton me broie la poitrine et ma cuisse effleure le tuyau là où l’isolant a été arraché. Je ressens la morsure de la brûlure avant de me dégager. Je suis enfin de l’autre côté.
    — Ça va ? questionne Charlie.
    — Ça va.
    — Tourne le loquet vers la droite, conseille Gil.
    Je m’exécute. Gil pousse la barrière, Charlie le suit, soutenant Paul par le bras.
    — Tu es sûr de ton coup ? me demande Charlie tandis que nous poursuivons notre périple dans l’obscurité.
    — Ne t’inquiète pas.
    Plus loin, un « R » sur le mur indique que nous arrivons sous la résidence des étudiantes de Rockefeller College. En première année, je sortais avec une fille qui y avait une chambre, Lana McKnight. Avant que les conduits de cheminée sur le campus ne soient condamnés, nous avons passé plusieurs soirées d’hiver devant un feu de bois à discuter de tout et de rien : Mary Shelley, la mode gothique, mais aussi l’université de l’Ohio, où sa mère enseignait, comme mon père. Lana avait des seins en forme d’aubergine et, quand nous restions trop longtemps au coin du feu, ses oreilles rougissaient comme des coquelicots.
    J’entends des voix au-dessus de nos têtes. Beaucoup de voix.
    — Mais qu’est-ce qui se passe là-haut ? s’exclame Gil en s’approchant de la source du bruit.
    — On est arrivés, dis-je en toussant. C’est ici qu’on sort.
    Soudain, je perçois mieux les voix, ou plutôt le chahut. Ce sont des étudiants, pas des proctors. Des dizaines d’étudiants, qui semblent se presser au-dessus de nos têtes.
    Charlie esquisse un sourire.
    — Les JO nus.
    Gil vient de comprendre.
    — Et nous sommes juste dessous !
    — Le souterrain aboutit au milieu de la cour, dis-je en m’appuyant contre le mur de pierre pour essayer de retrouver mon souffle. Il n’y a plus qu’à soulever la grille et se fondre dans la foule.
    Paul corrige d’une voix enrouée :
    — Il n’y a plus qu’à se désaper et se fondre dans la foule.
    Sa remarque jette un froid. Charlie hésite un peu, puis déboutonne sa chemise.
    — Moi, je me tire d’ici, explique-t-il en étouffant un rire.
    Je retire mon jean, Gil et Paul m’imitent. Nous fourrons tous nos vêtements dans un des sacs à dos, jusqu’à en faire éclater les coutures.
    — On sort avec les sacs ? me demande Charlie.
    — Je ne sais pas. Il y aura des proctors dehors, tu crois ?
    Gil, qui n’a plus peur de rien, gravit les échelons.
    — Trois cents étudiants à poil, Tom. Si tu n’arrives pas à t’en tirer avec ce genre de diversion, tu mérites bien de te faire choper.
    — Il soulève la grille. Une vague d’air froid déferle dans le tunnel. Paul semble aussitôt renaître.
    — D’accord, les mecs, acquiesce Gil en se retournant une dernière fois. Que le spectacle commence !
     
    Le contraste est brutal. Hors du tunnel, la lumière paraît
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