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La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres
Autoren: Mireille Calmel
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semaines durant, Ann demeura le regard lointain et vide. Trois semaines durant, celui de Mary chercha le visage des siens qui la soutenaient.
    Le 19 décembre de cette année 1720, leur procès prit fin et le verdict tomba. Elles furent jugées coupables et condamnées à mort. Un soupir de satisfaction et de soulagement passa dans la salle. Ann se tourna vers Mary, enfin, un sourire serein sur son visage fatigué. Elles se levèrent de concert, mais ce fut Mary qui parla.
    — Votre Honneur, déclara-t-elle haut et clair, nous demandons à la Cour de surseoir à notre exécution.
    — Pour quel motif ? s’enquit William Nedham.
    — Nous sommes enceintes.
    Un nouveau murmure s’empara de la foule massée jusqu’à l’extérieur. Quelques dames blêmirent et s’éventèrent, une se trouva mal tandis que ces messieurs suffoquaient à la seule idée des êtres démoniaques qu’elles pourraient enfanter, à la seule pensée que, quoi qu’elles aient pu faire, elles n’en demeuraient pas moins des femmes.
    Quatre hommes, seuls, s’en réjouirent, comprenant toute la portée de cette révélation. Le regard de Baletti accrocha celui de Mary, interrogateur. Elle hocha la tête pour lui confirmer que ce n’était pas une ruse grossière, puis se rassasia du sourire heureux qu’il lui offrit à cette perspective.
    Le juge laissa tomber son marteau pour rétablir le silence, ordonna que l’exécution soit suspendue et qu’une vérification soit faite.
    La séance levée, dignes et satisfaites, Mary Read et Ann Bonny, encadrées de soldats, traversèrent une assemblée médusée pour sortir de la salle d’audience.
    Cette clémence qu’elles avaient forcée, leurs geôliers se chargèrent de la leur faire payer.

36
     
     
    E mma de Mortefontaine décacheta le courrier de Nicolas Lawes avec fébrilité, le parcourut, blêmit et s’effondra entre les bras de Gabriel qui s’était approché d’elle, par curiosité.
    Il la porta sur un sofa où il l’étendit, avant d’appeler pour qu’on lui porte des sels.
    Tandis qu’une domestique s’appliquait à les passer sous le nez de sa maîtresse, lui redressant la nuque de sa main, Gabriel déchiffra la missive. Son sourire s’étira, large et satisfait.
    Nicolas Lawes avertissait Emma du jugement d’Ann Cormac et du sort qui l’attendait. Il ajoutait qu’il avait tout essayé pour lui éviter ce procès, mais avait dû s’y résoudre, malgré son influence, tant Ann s’était distinguée par sa cruauté lors des abordages.
    Gabriel s’en montra ravi. Bien qu’il ait obtenu d’Emma tout ce qu’il convoitait, il n’avait aucune envie qu’Ann Bonny réapparaisse et prenne sa place. Quoi qu’il en prétende, il aimait sa maîtresse.
    Pour la distraire durant ces mois d’attente insupportables à Cuba et plus encore pour la soustraire aux caresses de Lawes, il l’avait encouragée à reprendre une quête qu’elle avait depuis longtemps oubliée.
    — Tiens, lui avait-il dit en lui tendant le crâne de cristal, peu de temps après qu’elle se fut rendue à Kingston pour quémander l’aide du gouverneur.
    — Que veux-tu que j’en fasse ? avait-elle grincé en haussant les épaules.
    — Si tu retrouvais ce trésor, tu regagnerais ta liberté.
    — Sans le second œil, c’est impossible.
    — Impossible ? Allons donc, Emma. Avec toi, rien ne l’est.
    Au fil des jours, l’idée l’avait séduite. D’autant que Lawes, malgré sa bonne volonté, montrait plus d’empressement à la caresser qu’à retrouver Ann. Son éloignement l’obligerait à s’y activer, ne serait-ce que pour lui plaire. Elle avait donc décidé de gagner le Yucatán et d’utiliser l’aiguille de cristal qu’elle avait trouvée à Lubaantun, lors de sa première visite, pour fabriquer un œil de jade identique au premier.
    Elle s’y était employée sur place. Il avait fallu de nombreux essais sur des cristaux banals avant de pouvoir copier la forme exacte et le rendu prismatique de l’original. Enfin, elle s’était résolue à sacrifier l’aiguille.
    Cela n’avait servi à rien. La salle du trésor était demeurée fermée. Emma s’était acharnée des semaines durant, avant de renoncer et de décider de regagner Cuba.
    Ils venaient d’y accoster. Gabriel se pencha au-dessus de sa maîtresse qui le réclamait. Secouée de spasmes douloureux, elle sanglotait.
    — Allons, lui dit-il sans complaisance. Tu t’en remettras. Comme tu t’es remise
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