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La momie de la Butte-aux-cailles

La momie de la Butte-aux-cailles

Titel: La momie de la Butte-aux-cailles
Autoren: Claude Izner
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attendant, il occupe mon lit, le Poulot, j’en suis réduite à dormir au sixième. Vous avez le journal ?
    — J’vais vous le lire, venez donc à la cuisine, inutile que votre cousin entende, ça risquerait de lui tourner la rate au court-bouillon.
    Elles tirèrent leurs chaises près de la cuisinière. Euphrosine chaussa ses lunettes.
    — À l’origine y a deux complices, une aventurière, Félicité Ducrest, et un sculpteur religieux, Michel Forestier.
    — Me racontez pas, lisez.
    — Je commence :
    « Félicité Ducrest est née à Joursac, Cantal, en 1869. À l’âge de dix-huit ans, elle est montée à Paris et a trouvé une place de vendeuse dans un magasin de vêtements et fournitures coloniales. En 1889, elle a épousé un Anglais, Hugues Stevens, employé par l’agence de voyages Cook à Louqsor…»
    — C’est où, Louqsor ?
    — Ben, si vous m’coupez à tout bout d’champ, alors ! Je reprends.
    « Louqsor, village qui fait face à la nécropole de Thèbes, ancienne résidence des pharaons. Le couple s’installe en Égypte où Hugues Stevens est chargé de guider les touristes. Les rues de Louqsor sont envahies de visiteurs européens, d’égyptologues amateurs et de missions officielles de fouilles. Ils viennent pour visiter les tombeaux de la rive ouest du Nil et frissonner à la vue des momies. »
    — Quelle horreur ! s’exclama Micheline Ballu. En momie qu’ils l’ont transformé, mon Poulot, ma seule famille, en momie !
    — Il est vivant. Calmez-vous, Micheline, sinon j’arrête. Tiens, vous devriez nous servir un p’tit porto, ça fera passer les atrocités commises par ces deux raclures. Restez assise, j’me charge du service.
    Les deux femmes trinquèrent et firent claquer leurs langues. Euphrosine reprit sa lecture :
    « Hugues Stevens arrondit ses fins de mois en pratiquant un trafic qui alimente sa bourse et la fièvre archéologique, car, pour les Européens, une momie ou l’un de ses fragments constituent le plus beau souvenir à ramener d’Égypte. D’autant que cette acquisition prend des tours mystérieux et comploteurs, puisque nul n’ignore que le commerce des antiquités égyptiennes, celui des momies en particulier, est illégal. La demande est telle que les Égyptiens les plus entreprenants établissent des fabriques clandestines de momies humaines et animales, dans lesquelles des morts contemporains prennent miraculeusement l’aspect de momies millénaires. »
    — Jésus, Marie, Joseph ! Faut vraiment être frappé pour collectionner des saletés pareilles ! s’écria Euphrosine en remplissant les verres vides à ras bord. Et ça rapporte des sous, ces déchets ? Eh oui, c’est écrit là :
    « De 1890 à 1892, le couple s’enrichit en expédiant clandestinement leurs trouvailles destinées à des collectionneurs et des marchands. À Paris, elles sont réceptionnées par Michel Forestier, le neveu de Félicité, un statuaire. Michel Forestier a repéré une bâtisse abandonnée dans le quartier de la Butte-aux-Cailles. C’est dans cette maison ceinte d’un parc qu’il entrepose les "arrivées" transportées par péniche. Il a donc installé son atelier de sculpture à proximité, rue Michal.
    Fin 1892, Hugues Stevens décède. Félicité reprend son nom de jeune fille et rentre en France, avec dans ses bagages un parchemin mystérieux dont nous ignorons la teneur. »
    — Mimine ! Mimine, t’es là ? J’ai soif !
    — C’est Poulot, laissez-moi le journal, madame Pignot, je le lirai ce soir.
     
    — Délicieux, dit Augustin Valmy, cuisine raffinée. Aussi raffinée que le dessein de Mme Félicité Ducrest. Elle est riche. Elle a loué un appartement place des Vosges, elle pourrait vivre de ses rentes, mais ça ne lui suffit pas. Cette formule inscrite sur un parchemin acheté dans une échoppe de Louqsor peut la projeter dans les plus hautes sphères du Tout-Paris. Vous vouliez connaître le mobile, monsieur Legris, le voici.
    Il fouilla sa poche, en tira un papier et lut :
    « L’encens et la myrrhe étaient utilisés en Égypte du temps des pharaons. Les Égyptiens ne résistaient pas aux sortilèges des parfums Ils en imprégnaient les bandelettes dont ils enveloppaient les morts pour leur voyage vers l’éternité, ils les incorporaient à tous les actes de la vie religieuse et sociale. Alexandrie avait son quartier des parfumeurs et ses fabriques de parfums… Pentaour est un prénom égyptien, Pentaour
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