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La Marquis de Loc-Ronan

La Marquis de Loc-Ronan

Titel: La Marquis de Loc-Ronan
Autoren: Ernest Capendu
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encore ; mais je veux qu’elle vous doive le bonheur de reprendre le nom de son époux.
    – Comment cela ?
    – Le voyage que je viens d’accomplir avait un double but. Jusqu’à ce jour, j’avais voulu vous laisser entièrement à vos tristes souvenirs et ne pas y mêler le spectacle du bonheur d’autrui. Aujourd’hui, grâce au ciel, la force vous est revenue, et après vous avoir raconté les différentes particularités de la vie du marquis de Loc-Ronan, je puis reprendre mon récit au moment où je l’avais interrompu. Nous avons encore près d’une heure avant de nous occuper du mouillage. Vous plaît-il de m’écouter ?
    – De grand cœur ; parlez vite. Vous vous étiez arrêté à l’instant où, grâce à votre dévouement, à celui de vos amis, vous veniez d’arracher votre frère, pardon, M. le marquis…
    – Oh ! interrompit Marcof, vous pouvez dire « mon frère ». Philippe a fait serment de ne me revoir jamais si je n’acceptais pas ce titre.
    – Eh bien, votre frère, qui sans doute est digne de vous, vous veniez de l’arracher, dis-je, à une mort certaine.
    – C’est cela même, mademoiselle. Je vous ferai grâce, cependant, des détails des nouveaux dangers que nous avons courus pendant trois mois, et de la joie qu’éprouva mademoiselle de Château-Giron en revoyant son époux. Bref, j’exigeai que Philippe abandonnât, momentanément au moins, cette terre de Bretagne sur laquelle il avait tant souffert. Sa santé délabrée ordonnait impérieusement le calme et le repos. Lui ne voulait pas partir ; il se devait, disait-il, à ses amis et à la cause royale. Sa pauvre femme se désespérait. Encore six semaines de fatigues, et Philippe se mourrait d’épuisement. Alors je n’hésitai plus ; j’employai la ruse et la force pour l’embarquer à bord de mon lougre. Une fois en mer, il me maudit d’abord, puis il m’embrassa ensuite. La jeune fille dont je vous ai parlé, cette Yvonne, qui, elle aussi, avait si cruellement souffert, se partageait avec Julie le soin de veiller sur le malade. Il fallait un ciel pur, un air chaud, un pays calme pour rendre la santé à Philippe. J’avais toujours été charmé par le paysage qui nous entoure ; je connaissais quelques braves gens à Algésiras, et cette petite ville présentant toutes les conditions exigibles, je résolus d’y conduire Philippe. Puis j’étais poussé encore par deux autres pensées ; je voulais aller en Italie, et l’Espagne se trouvait sur ma route. En Italie, j’avais deux missions à remplir ; la première vous concernait.
    – Brave et excellent cœur ! murmura mademoiselle de Fougueray avec une émotion profonde ; vous n’avez jamais songé qu’aux autres, et vous avez été la providence de tous ceux qui vous ont approché.
    – Je remplissais un devoir, mademoiselle. Piétro, en me racontant la vérité, en m’apprenant quels étaient les deux gentilshommes dont Diégo et Raphaël avaient pris les noms, Piétro me parla de la jeune fille qui les accompagnait. Il savait que cette jeune fille avait été sauvée par moi. Jusqu’alors je n’avais pu m’informer de ce qu’elle était devenue. Lorsque, arrivés tous deux à Messine, je vous avais remise dans cette maison de santé, mademoiselle, votre état alarmant ne me permettait pas d’espérer une prompte guérison.
    – Oui, interrompit Marie-Augustine ; j’étais privée de la raison. La terreur m’avait rendue folle. Hélas ! je suis restée dix-sept ans dans ce malheureux état ! Le docteur Luizzi ne m’a jamais abandonnée. Et pourtant j’étais pauvre, je ne possédais rien. Ce digne homme avait gardé un si profond souvenir de votre généreuse action, Marcof, car il savait, lui, ce que je n’ai appris que plus tard, c’est-à-dire que vous m’aviez laissé tout ce que vous possédiez, payant de votre travail votre passage en France, le docteur Luizzi, vous disais-je, avait conservé de cette action un tel souvenir qu’il reporta sur moi toute la tendresse née de l’admiration qu’elle lui avait inspirée. Quand, il y a deux ans, je revins à la raison, il m’offrit de m’avancer l’argent nécessaire pour me mettre à même de retourner en France. Mais, il y a deux ans, la France était déjà interdite aux familles nobles. Il me fallut demeurer à Messine. C’était dans l’endroit même où vous m’aviez laissée que vous deviez me retrouver.
    – J’ignorais ces détails, reprit
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