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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak
Autoren: Charles De Coster
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tenant comme raisins en grappes,
roulaient du haut du plateau jusque dans la rivière où ils se
daubaient encore à grands coups sans rafraîchir leur fureur.
    Et l’ermite riait.
    Ceux qui étaient demeurés sur le plateau se pochaient les yeux,
se cassaient les dents, s’arrachaient les cheveux, le pourpoint et
le haut-de-chausses. Et l’ermite riait et disait :
    – Courage, amis, qui frappe chien n’en aime que mieux. Aux plus
battants les amours de leurs belles ! Notre-Dame de
Rindbisbels, c’est ici qu’on voit les mâles.
    Et les pèlerins s’en donnaient à cœur joie.
    Claes, dans l’entretemps, s’était approché de l’ermite, tandis
qu’Ulenspiegel riant et criant applaudissait aux coups.
    – Mon père, dit-il, quel crime ont donc commis ces pauvres
bonshommes pour être forcés de se frapper si cruellement ?
    Mais l’ermite sans l’entendre criait :
    – Fainéants ! vous perdez courage. Si les poings sont las,
les pieds le sont-ils ? Vive Dieu ! il en est de vous qui
ont des jambes pour s’enfuir comme des lièvres ! Qui fait
jaillir le feu de la pierre ? Le fer qui la bat. Qu’est-ce qui
anime la virilité des vieilles gens, sinon une bonne platelée de
coups, bien assaisonnée de male rage ?
    À ce propos, les bonshommes pèlerins continuaient à
s’entre-battre du casque, des mains et des pieds. C’était une
furieuse mêlée où l’Argus aux cent yeux n’eût rien vu que la
poussière soulevée et quelque bout de casque.
    Soudain l’ermite tinta de la campane. Fifres, tambours,
trompettes, cornemuses, scalmeyes et ferrailles cessèrent leur
tapage. Et ce fut un signal de paix.
    Les pèlerins ramassèrent leurs blessés. Parmi ceux-ci, furent
vues plusieurs langues épaisses de colère et qui sortaient des
bouches des combattants. Mais elles rentrèrent d’elles-mêmes en
leurs palais accoutumés. Le plus difficile fut d’ôter les casques à
ceux qui se les étaient enfoncés jusques au cou et se secouaient la
tête, mais sans les faire plus tomber que des prunes vertes.
    Cependant l’ermite leur disait :
    – Récitez chacun un
Ave
et retournez auprès de vos
commères. Dans neuf mois il v aura autant d’enfants de plus dans le
bailliage qu’il y eut aujourd’hui de vaillants champions en la
bataille.
    Et l’ermite chanta l’
Ave
, et tous le chantèrent avec
lui. Et la campane tintait.
    L’ermite alors les bénit au nom de Notre-Dame de Rindbisbels et
leur dit :
    – Allez en paix !
    Ils s’en furent criant, se bousculant et chantant jusqu’à
Meyborg. Toutes les commères, vieilles et jeunes, les attendaient
sur le seuil des maisons où ils entrèrent comme des soudards en une
ville prise d’assaut.
    Les cloches de Meyborg sonnaient à toutes volées ; les
garçonnets sifflaient, criaient, jouaient du
rommel-pot
.
    Les pintes, hanaps, gobelets, verres, flacons et chopines
tintinabulaient merveilleusement. Et le vin coulait à flots dans
les gosiers.
    Pendant cette sonnerie, et tandis que le vent apportait de la
ville à Claes, par bouffées, des chants d’hommes, de femmes et
d’enfants, il parla derechef à l’ermite et lui demanda quelle était
la grâce céleste que ces bonshommes prétendaient obtenir par ce
rude exercice.
    L’ermite riant lui répondit :
    – Tu vois sur cette chapelle deux figures sculptées,
représentant deux taureaux. Elles y sont placées en mémoire du
miracle que fit saint Martin changeant deux bœufs en taureaux, en
les faisant s’entre-battre à coups de corne. Puis il les frotta
d’une chandelle sur le muffle et de bois vert pendant une heure et
davantage.
    Sachant le miracle, et muni d’un bref de Sa Sainteté que je
payai bien, je vins ici m’établir.
    Dès lors, tous les vieux tousseux et porte-bedaine de Meyborg et
pays d’alentour, par moi patrocinés, furent certains qu’après
s’être battus fortement avec la chandelle qui est l’onction, et le
bâton qui est la force, ils se rendraient Notre-Dame favorable. Les
femmes envoient ici leurs vieux maris. Les enfants qui naissent par
la vertu du pèlerinage sont violents, hardis, féroces agiles et
forment de parfaits soudards.
    Soudain l’ermite dit à Claes :
    – Me reconnais-tu ?
    – Oui, répondit Claes, tu es mon frère Josse.
    – Je le suis, répondit l’ermite ; mais quel est ce petit
homme me fait des grimaces ?
    – C’est ton neveu, répondit Claes.
    – Quelle différence fais-tu entre moi et l’empereur
Charles ?
    – Elle est
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