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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak
Autoren: Charles De Coster
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tournera plus tard à son profit, si, au lieu de s’en
servir à de méchants tours, il l’emploie à quelque utile métier. Il
se gausse du prochain volontiers ; mais aussi plus tard il
tiendra bien sa place en quelque gaie confrérie. Il rit sans
cesse ; mais les faces aigres avant d’être mûres sont un
méchant pronostic pour les visages à venir. S’il court, c’est qu’il
a besoin de grandir ; s’il ne travaille point, c’est qu’il
n’est pas à l’âge où l’on sent que labeur est devoir, et s’il passe
quelquefois dehors jour et nuit, la moitié d’une semaine, c’est
qu’il ne sait pas de quelle douleur il nous afflige car il a bon
cœur, et il nous aime.
    Claes, hochant la tête, ne répondait point, et Soetkin, quand il
dormait, pleurait seule. Et le matin, pensant que son fils était
malade au coin de quelque route, elle allait sur le pas de la porte
voir s’il ne revenait point ; mais elle ne voyait rien, et
elle s’asseyait près de la fenêtre, regardant de là dans la rue. Et
bien des fois son cœur dansait dans sa poitrine au bruit du pas
léger de quelque garçonnet ; mais quand il passait, elle
voyait que ce n’était pas Ulenspiegel, et alors elle pleurait, la
dolente mère.
    Cependant Ulenspiegel, avec ses camarades vauriens, était à
Bruges, au marché du samedi.
    Là se voyaient les cordonniers et les savetiers dans des
échoppes à part, les tailleurs marchands d’habits, les
miesevangers
d’Anvers qui prennent, la nuit, avec un
hibou, les mésanges ; les marchands de volailles, les larrons
ramasseurs de chiens, les vendeurs de peaux de chats pour gants,
plastrons et pourpoints, et des acheteurs de toutes sortes,
bourgeois, bourgeoises, valets et servantes, panetiers, sommeliers,
coquassiers et coquassières, et tous ensemble, marchands et
chalands, suivant leur qualité, criant, décriant, vantant et
avilissant la marchandise.
    Dans un coin du marché était une belle tente de toile, montée
sur quatre pieux. À l’entrée de cette tente, un manant du plat pays
d’Alost, accompagné de deux moines présents pour le bénéfice,
montrait pour un patard, aux dévots curieux, un morceau de l’os de
l’épaule de sainte Marie Egyptienne. Il braillait, d’une voix
cassée, les mérites de la sainte et n’omettait point en sa ballade
comment, faute d’argent, elle paya en belle monnaie de nature un
jeune passeur d’eau, pour ne point, en refusant son salaire à ce
manouvrier, pécher contre le Saint-Esprit.
    Et les deux moines faisaient signe de la tête que le manant
disait vrai. À côté d’eux était une grosse femme rougeaude, lascive
comme Astarté, gonflant violemment une méchante cornemuse, tandis
qu’une fillette mignonne chantait près d’elle comme une
fauvette ; mais nul ne l’entendait. Au-dessus de l’entrée de
la tente se balançait à deux perches, et tenu aux oreilles par des
cordes, un baquet plein d’eau bénite à Rome, ainsi que le chantait
la grosse femme, tandis que les deux moines dodelinaient de la tête
pour approuver son dire. Ulenspiegel, regardant le baquet, devenait
songeur.
    À l’un des pieux de la tente était attaché un baudet nourri de
plus de foin que d’avoine : La tête basse, il regardait la
terre, sans nulle espérance d’y voir pousser des chardons.
    – Camarades, dit Ulenspiegel en leur montrant du doigt la grosse
femme, les deux moines et l’âne brassant mélancolie, puisque les
maîtres chantent si bien, il faut aussi faire danser le baudet.
    Ce qu’ayant dit, il alla à la boutique prochaine, acheta du
poivre pour six liards, leva la queue de l’âne et mit le poivre
dessous.
    L’âne, sentant le poivre, regarda sous sa queue pour voir d’où
lui venait cette chaleur inaccoutumée. Croyant qu’il y avait le
diable ardent, il voulut courir pour lui échapper, se mit à braire
et à ruer et secoua le poteau de toutes ses forces. À ce premier
choc, le baquet qui était entre les deux perches renversa toute son
eau bénite sur la tente et sur ceux qui étaient dedans. Celle-ci
bientôt s’affaissant, couvrait d’un humide manteau ceux qui
écoutaient l’histoire de Marie Egyptienne. Et Ulenspiegel et ses
camarades entendirent sortir de dessous la toile un grand bruit de
geignements et de lamentations, car les dévots qui étaient là
s’accusant l’un l’autre d’avoir renversé le baquet, s’étaient
fâchés tout jaune et s’entre-baillaient de furieux horions. La
toile se soulevait sous
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