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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak
Autoren: Charles De Coster
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nous offrit Katheline ? Ne vois-je là
un gros morceau de bœuf qui fera au moins pendant trois jours du
bon lait pour l’enfant ? Ce sac de fèves si bien tapi en ce
coin est-il prophète de famine ? Est-elle fantôme cette
tinette de beurre ? Sont-ce des spectres que ces enseignes et
guidons de pommes rangés guerrièrement par onze en ligne dans le
grenier ? N’est-ce point annonce de fraîche buverie que le
gros bonhomme tonneau de
cuyte
de Bruges, qui garde en sa
panse notre rafraîchissement ?
    – Il nous faudra, dit Soetkin, quand on portera l’enfant à
baptême, donner deux patards au prêtre et un florin pour le
festin.
    Sur ce, Katheline entra tenant un gros bouquet de plantes et
dit :
    – J’offre à l’enfant coiffé l’angélique, qui préserve l’homme de
luxure, le fenouil, qui éloigne Satan…
    – N’as-tu pas, demanda Claes, l’herbe qui appelle les
florins ?
    – Non, dit-elle.
    – Donc, dit-il, je vais voir s’il n’y en a point dans le
canal.
    Il s’en fut, portant sa ligne et son filet, certain, au
demeurant, de ne rencontrer personne, car il n’était qu’une heure
avant l’
oosterzon
, qui est, en Flandre, le soleil de six
heures.

III
     
    Claes vint au canal de Bruges, non loin de la mer. Là, mettant
l’appât à sa ligne, il la lança à l’eau et il y laissa descendre
son filet. Un petit garçonnet bien vêtu était sur l’autre bord,
dormant comme souche, sur un bouquet de moules.
    Il s’éveilla au bruit que faisait Claes et voulut s’enfuir,
craignant que ce ne fût quelque sergent de la commune venant le
déloger de son lit et le mener au
Steen
pour vacations
illicites.
    Mais il cessa d’avoir peur quand il reconnut Claes et que
celui-ci lui cria :
    – Veux-tu gagner six liards ? Chasse le poisson par
ici.
    Le garçonnet, à ce propos, entra dans l’eau, avec sa petite
bedondaine déjà gonflée, et s’armant d’un panache de grands
roseaux, chassa le poisson vers Claes.
    La pêche finie, Claes retira son filet et sa ligne, et marchant
sur l’écluse vint près du garçonnet.
    – C’est toi, dit-il, que l’on nomme Lamme de ton nom de baptême
et Goedzak à cause de ton doux caractère, et qui demeures rue du
Héron, derrière Notre-Dame. Comment, si jeune et si bien vêtu, te
faut-il dormir sur un lit public ?
    – Las ! monsieur du charbonnier, répondit le garçonnet,
j’ai au logis une sœur plus jeune que moi d’un an et qui me daube a
grands coups à la moindre querelle. Mais je n’ose sur son dos
prendre ma revanche, car je lui ferais mal, monsieur. Hier, au
souper, j’eus grand’faim et nettoyai de mes doigts le fond d’un
plat de bœuf aux fèves dont elle voulait avoir sa part. Il n’y en
avait assez pour moi, monsieur. Quand elle me vit me pourléchant à
cause du bon goût de la sauce, elle devint comme enragée et me
frappa à toutes mains de si grandes gifles que je m’enfuis tout
meurtri de la maison.
    Claes lui demanda ce que faisaient ses père et mère pendant
cette giflerie.
    Lamme Goedzak répondit :
    – Mon père me battait sur une épaule et ma mère sur l’autre en
me disant : « Revanche-toi, couard. » Mais moi, ne
voulant pas frapper une fille, je m’enfuis.
    Soudain Lamme blêmit et trembla de tous ses membres.
    Et Claes vit venir une grande femme et, marchant à côté d’elle
une fillette maigre et d’aspect farouche.
    – Ah ! dit Lamme tenant Claes au haut-de-chausses, voici ma
mère et ma sœur qui me viennent quérir. Protégez-moi, monsieur du
charbonnier.
    – Tiens, dit Claes, prends d’abord ces sept liards pour salaire
et allons à elles sans peur.
    Quand les deux femmes virent Lamme, elles coururent à lui et
toutes deux le voulurent battre, la mère parce qu’elle avait été
inquiète et la sœur parce qu’elle en avait l’habitude.
    Lamme se cachait derrière Claes et criait :
    – J’ai gagné sept liards, j’ai gagné sept liards, ne me battez
point.
    Mais la mère l’embrassait déjà, tandis que la fillette voulait
de force ouvrir les mains de Lamme pour avoir son argent. Mais
Lamme criait :
    – C’est le mien, tu ne l’auras pas.
    Et il serrait les poings. Claes toutefois secoua rudement la
fillette par les oreilles et lui dit :
    – S’il t’arrive encore de chercher noise à ton frère, qui est
bon et doux comme un agneau, je te mettrai dans un noir trou à
charbon, et là ce ne sera plus moi qui te tirerai les oreilles mais
le rouge diable d’enfer, qui te
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