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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak
Autoren: Charles De Coster
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royaume du bon temps. »
    Et Ulenspiegel riait.

VIII
     
    Claes ayant pêché un gros saumon, ce saumon fut mangé par lui un
dimanche et aussi par Soetkin, Katheline et le petit Ulenspiegel,
mais Katheline ne mangeait pas plus qu’un oiseau.
    – Commère, lui dit Claes, l’air de Flandre est-il si solide
présentement qu’il te suffise de le respirer pour en être nourrie
comme d’un plat de viande ? Quand vivra-t-on ainsi ? Les
pluies seraient de bonnes soupes, il grêlerait des fèves, et les
neiges, changées en célestes fricassées, réconforteraient les
pauvres voyageurs.
    Katheline, hochant la tête, ne sonnait mot.
    – Voyez, dit Claes, la dolente commère. Qu’est-ce donc qui la
navre ?
    Mais Katheline parlant avec une voix qui était comme un
souffle :
    – Le méchant, dit-elle, nuit tombe noire. – Je l’entends
annonçant sa venue, – criant comme orfraie. – Frissante, je prie
madame la Vierge – en vain. – Pour lui, ni murs, ni haies, portes
ni fenêtres. Entre partout comme esprit. – Echelle craquant. – Lui
près de moi, dans le grenier où je dors. Me saisit de ses bras
froids, durs comme marbre. – Visage glacé, baisers humides comme
neige. – Chaumine ballottée par la terre, se mouvant comme barque
sur mer tempêtueuse…
    – Il faut, dit Claes, aller chaque matin à la messe, afin que
monseigneur Jésus te donne la force de chasser ce fantôme venu d’en
bas.
    – Il est si beau ! dit-elle.

IX
     
    Ulenspiegel étant sevré, grandit comme jeune peuplier.
    – Claes alors ne le baisa plus fréquemment, mais l’aima d’un air
bourru afin de ne le point affadir.
    Quand Ulenspiegel revenait au logis, se plaignant d’avoir été
daubé en quelque rixe, Claes le battait parce qu’il n’avait point
battu les autres, et ainsi éduqué, Ulenspiegel devint vaillant
comme un lionceau.
    Si Claes était absent, Ulenspiegel demandait à Soetkin un liard
pour aller jouer. Soetkin, se fâchant disait : « Qu’as-tu
besoin d’aller jouer ? Tu ferais mieux de demeurer céans à
lier des fagots. »
    Voyant qu’elle ne donnait rien, Ulenspiegel criait comme un
aigle, mais Soetkin menait grand bruit de chaudrons et d’écuelles
qu’elle lavait en un seau de bois, pour faire mine de ne le point
entendre. Ulenspiegel alors pleurait, et la douce mère laissant sa
feinte dureté, venait à lui, le caressait et disait :
« As-tu assez d’un denier ? » Or, notez que le
denier valait six liards.
    Ainsi elle l’aima trop, et lorsque Claes n’était point là,
Ulenspiegel fut roi en la maison.

X
     
    Un matin, Soetkin vit Claes qui, la tête basse, errait dans la
cuisine comme un homme perdu dans ses réflexions.
    – De quoi souffres-tu, mon homme ? dit-elle. Tu es pâle,
colère et distrait.
    Claes répondit à voix basse, comme un chien qui
gronde :
    – Ils vont renouveler les cruels placards de l’empereur. La mort
va de nouveau planer sur la terre de Flandre. Les dénonciateurs
auront la moitié des biens des victimes, si les biens n’excèdent
pas cent florins carolus.
    – Nous sommes pauvres, dit-elle.
    – Pauvres, dit-il, pas assez. Il est de ces viles gens, vautours
et corbeaux vivant des morts, qui nous dénonceraient aussi bien
pour partager avec Sa Sainte Majesté un panier de charbon qu’un sac
de carolus. Que possédait la pauvre Tanneken, veuve de Sis le
tailleur, qui mourut à Heyst, enterrée vive ? Une bible
latine, trois florins d’or et quelques ustensiles de ménage en
étain d’Angleterre que convoitait sa voisine. Johannah Martens fut
brûlée comme sorcière et auparavant jetée à l’eau, car son corps
avait surnagé et l’on y vit du sortilège. Elle avait quelques
meubles chétifs, sept carolus d’or en un cuiret, et le dénonciateur
voulait en avoir la moitié. Las ! Je te pourrais parler ainsi
jusque demain, mais viens-nous-en, commère, la vie n’est plus
viable en Flandre à cause des placards. Bientôt, chaque nuit, le
chariot de la mort passera par la ville, et nous y entendrons le
squelette s’y agitant avec un sec bruit d’os.
    Soetkin dit :
    – Il ne faut point me faire peur, mon homme. L’empereur est le
père de Flandre et Brabant, et, comme tel, doué de longanimité,
douceur, patience et miséricorde.
    – Il y perdrait trop, répondit Claes, car il hérite des biens
confisqués.
    Soudain sonna la trompette et grincèrent les cimbales du héraut
de la ville. Claes et Soetkin, portant tour à tour Ulenspiegel
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