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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak
Autoren: Charles De Coster
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mettra en morceaux avec ses grandes
griffes et ses dents qui sont comme fourches.
    À ce propos, la fillette n’osant plus regarder Claes ni
s’approcher de Lamme, s’abrita derrière les jupons de sa mère. Mais
en entrant en ville, elle criait partout :
    – Le charbonnier m’a battue ; il a le diable dans sa
cave.
    Cependant elle ne frappa plus Lamme davantage ; mais, étant
grande, le fit travailler à sa place. Le doux niais le faisait
volontiers.
    Claes avait, cheminant, vendu sa pêche à un fermier qui la lui
achetait de coutume. Rentrant au logis, il dit à Soetkin :
    – Voici ce que j’ai trouvé dans le ventre de quatre brochets, de
neuf carpes et dans un plein panier d’anguilles. Et il jeta deux
florins et un patard sur la table.
    – Que ne vas-tu chaque jour à la pêche, mon homme ? demanda
Soetkin.
    Claes répondit :
    – Afin de ne point devenir moi-même poisson ès filets des
sergents de la commune.

IV
     
    On appelait à Damme le père d’Ulenspiegel Claes le
Kolldraeger
ou charbonnier. Claes avait le poil noir, les
yeux brillants, la peau de la couleur de sa marchandise, sauf le
dimanche et les jours de fête, quand il y avait abondance de savon
en la chaumière. Il était petit, carré, fort et de face
joyeuse.
    Si, la journée finie et le soir tombant, il allait en quelque
taverne, sur la route de Bruges, laver de
cuyte
son gosier
noir de charbon, toutes les femmes humant le serein sur le pas de
leurs portes lui criaient amicalement :
    – Bonsoir et bière claire, charbonnier.
    – Bonsoir et un mari qui veille, répondait Claes.
    Les fillettes qui revenaient des champs par troupes se plaçaient
toutes devant lui de façon à l’empêcher de marcher et lui
disaient :
    – Que payes-tu pour ton droit de passage : ruban écarlate,
boucle dorée, souliers de velours ou florin pour
aumônière ?
    Mais Claes en prenait une par la taille et lui baisait les joues
ou le cou, suivant que sa bouche était plus proche de la chair
fraîche ; puis il disait :
    – Demandez, mignonnes, demandez le reste à vos amoureux.
    Et elles s’en allaient s’éclatant de rire.
    Les enfants reconnaissaient Claes à sa grosse voix et au bruit
de ses souliers. Courant à lui, ils lui disaient :
    – Bonsoir, charbonnier.
    – Autant Dieu vous donne, mes angelots, disait Claes ; mais
ne m’approchez pas, sinon je ferai de vous des moricauds.
    Les petits, étant hardis, s’approchaient toutefois ; alors
il en prenait un par le pourpoint, et, frottant de ses mains noires
son frais museau, le renvoyait ainsi, riant quand même, à la grande
joie de tous les autres.
    Soetkin, femme de Claes, était une bonne commère, matinale comme
l’aube et diligente comme la fourmi.
    Elle et Claes labouraient à deux leur champ et s’attelaient
comme bœufs à la charrue. Pénible en était le traînement, mais plus
pénible encore celui de la herse, lorsque le champêtre engin devait
de ses dents de bois déchirer la terre dure. Ils le faisaient
toutefois le cœur gai, en chantant quelque ballade.
    Et la terre avait beau être dure ; en vain le soleil
dardait sur eux ses plus chauds rayons : en vain aussi
traînant la herse, ployant les genoux, devaient-ils faire des reins
cruel effort, s’ils s’arrêtaient et que Soetkin tournât vers Claes
son doux visage et que Claes baisât ce miroir d’âme tendre, ils
oubliaient la grande fatigue.

V
     
    La veille, il avait été crié aux bailles de la maison commune
que Madame, femme de l’empereur Charles, étant grosse, il fallait
dire des prières pour sa prochaine délivrance.
    Katheline entra chez Claes toute frissante :
    – Qu’est-ce qui te deult, commère ? demanda le
bonhomme.
    – Las ! répondit-elle, parlant par saccades. Cette nuit,
spectres fauchant hommes comme faneurs l’herbe. – Fillettes
enterrées vives ! Sur leur corps dansait le bourreau. – Pierre
de sang suant depuis neuf mois, cassée cette nuit.
    – Ayez pitié de nous, gémit Soetkin, ayez pitié, Seigneur
Dieu : c’est noir présage pour la terre de Flandre.
    – Vis-tu cela de tes yeux ou en songe ? demanda Claes.
    – De mes yeux, dit Katheline.
    Katheline, toute blême et pleurant, parla encore et
dit :
    – Deux enfantelets sont nés, l’un en Espagne, c’est l’infant
Philippe, et l’autre en pays de Flandre, c’est le fils de Claes,
qui sera plus tard surnommé Ulenspiegel. Philippe deviendra
bourreau, ayant été engendré par Charles cinquième,
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