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La lanterne des morts

La lanterne des morts

Titel: La lanterne des morts
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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vins de Vouvray et de Volnay.
    La conversation roula sur les opérations militaires et Blacfort, qui sortait d’une réunion d’état-major, lança, péremptoire:
    – Messieurs, à part Charette qui n’en fait qu’à sa tête avec son armée des marais et Stofflet qui reconstitue l’armée royale, il faut nous débrouiller avec ce que nous avons et tirer enseignement de nos défaites: harceler l’ennemi!… Voilà mon point de vue et, pour nouveau qu’il soit, je le crois pertinent.
    Le plus jeune des colonels, ancien du régiment royal-dragons qui, visiblement, faisait de gros efforts pour se contenir, eut cependant assez d’intelligence pour lancer d’un ton courtois:
    – Général, vous reprenez là les paroles de notre plus grand tacticien, feu le général-marquis de Bonchamps.
    Piqué au vif, Blacfort répondit d’un ton cassant:
    – Bonchamps est surtout connu pour avoir fait gracier cinq mille républicains prisonniers alors que lui-même était mourant. Ce geste de très grande faiblesse ne lui fut-il pas dicté par sa peur d’affronter Dieu?
    Blacfort n’avait pas la manière. La quasi-totalité des officiers de l’armée vendéenne étaient des soldats de métier, au moins sous l’Ancien Régime. Pas lui. Les trois colonels furent très choqués. Charles Melchior Artus de Bonchamps avait toujours fait preuve d’humanité. Blessé à Cholet le 17 octobre 1793, mort le lendemain, son geste lui avait valu un respect unanime et des artistes républicains, par reconnaissance, avaient sculpté son tombeau en l’église de Saint-Florent-le-Vieil alors que d’habitude, les corps des généraux vendéens étaient jetés à l’égout.
    Blacfort ajouta perfidement:
    – On ne peut pas collectionner les gilets et se passionner pour la musique sans payer quelque jour semblable légèreté.
    Le jeune colonel de cavalerie, provoqué, demeura calme car il n’ignorait pas la folie de Blacfort.
    – On connaissait l’élégance du marquis, le soin qu’il portait à sa mise, mais ce serait aller bien vite que d’oublier sa passion pour les théories militaires. C'est lui qui le premier, et inlassablement, expliqua que la guerre de Vendée ne ressemblait pas aux guerres habituelles et qu’on gagnerait à modifier sans cesse notre action en raison de la nature du terrain et des circonstances.
    Blacfort comprit qu’il ne convaincrait pas mais entendait avoir le dernier mot:
    – Peut-être. Mais qui s’en souviendra 1 ?
    On amena du veau rôti, du boudin et de la salade ainsi que des corbeilles de pain mollet, très tendre, fait avec de la fleur de farine et de la levure de bière pour une cuisson légère.
    Le malaise ne s’était pas estompé mais les quatre hommes eurent assez de tact pour ne jamais s’affronter. On parla des opérations en cours, des «colonnes infernales» du général Turreau, le nouveau commandant en chef républicain du front de l’Ouest puis le vieux colonel, un peu éméché, applaudit lorsqu’on apporta perdrix et poules rôties, l’heure tardive ayant donné grand faim aux convives. Il est vrai qu’avant la Révolution, ils dînaient vers trois heures de l’après-midi et soupaient à neuf ou dix heures du soir. Époque révolue.
    Se sachant entre aristocrates, devinant que pour catholiques qu’ils fussent, les trois colonels n’étaient point puceaux, Blacfort lança:
    – Paris!… Il me tarde de revoir cette ville et ses fêtes. Allez donc, ici, danser le menuet, la pavane ou la gavotte!
    – Le Palais-Royal et ses jolis brins de filles!… dit à son tour, nostalgique, le troisième colonel, un ancien des grenadiers de France.
    Et chacun, un instant, de revoir l’endroit, les boutiques de limonadiers où l’on trouvait aussi bien du cidre que du chocolat, des boissons alcoolisées que de la bière ou du café et, pour les jeunes filles, de l’eau de groseilles.
    Le jeune colonel de cavalerie songea naturellement aux chevaux:
    – Les courses où l’on croisait les Montmorency, les Rohan, les Noailles ou les La Rochefoucauld…
    Le vieux colonel, de plus en plus ivre, éructa:
    – Les maisons galantes… Les belles putains conviées aux soupers fins et aux orgies…
    Presque sincère, pour une fois, Blacfort dit gravement:
    – Souvenez-vous, messieurs, de ce qu’était une journée en ces temps heureux!
    – Elle commençait fort tard!… répondit un des officiers.
    Blacfort, le regard perdu, poursuivit:
    – Les beaux restaurants où depuis quelque
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