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La guerre de l'opium

La guerre de l'opium

Titel: La guerre de l'opium
Autoren: Jose Frèches
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    1
     
    Pékin, 12 octobre 1860
     
    Dans la deuxième cour du temple des Lamas A le journaliste dessinateur John Bowles venait de s’emparer d’une petite sculpture de tourmaline rehaussée d’or et de vermillon aux yeux, aux lèvres et à la pointe des seins.
    Il caressa doucement ce minuscule corps de femme nu, sensuel en diable, dont les formes fuselées, suggestives et désirables s’offraient au regard… Son auteur devait être un sorcier tant la femme endormie lui semblait réelle et la pierre dont elle était faite tiède et palpitante. Pour un peu, il n’eût pas trouvé étonnant que la statuette s’étirât, se mît debout sur sa paume et lui décochât un clin d’œil aguicheur…
    Cette divagation assez erratique fit sourire notre homme.
    Il faut dire qu’après des semaines aussi harassantes, celui qui était devenu une légende vivante du journalisme avait rudement besoin de décompresser.
    John Bowles était pourtant habitué aux aventures périlleuses.
    Plus encore que ses enquêtes inédites sur la Chine profonde, ses sociétés secrètes, ses innombrables victimes de l’opium ou encore ses rébellions qui minaient le pouvoir central, abondamment citées et reprises par tous les grands journaux anglo-saxons, c’était l’incroyable courage dont ce reporter intrépide avait fait preuve après sa capture par des pirates japonais en mer de Chine au mois de juillet 1855 qui avait marqué la mémoire de ses lecteurs et de ses confrères
    La jonque de guerre sur laquelle Bowles avait pris place dans le but de réaliser un reportage sur la marine mandchoue avait été pillée puis coulée par ces écumeurs des mers qui avaient massacré tout son équipage à l’exception du journaliste, le seul étranger présent à bord. Il avait été emmené dans l’île de Tanegashima {1}   où il était resté prisonnier pendant presque cinq ans, jusqu’à ce qu’il réussît à s’enfuir en assommant un pêcheur et en s’emparant de sa barque. Il avait dérivé sur celle-ci pendant dix jours au milieu d’une mer infestée par les requins avant d’être récupéré in extremis , atrocement brûlé par le soleil et au seuil de la mort par déshydratation, par un steamer hollandais qui faisait la navette entre les ports de Tokyo et de Shanghai.
    Pendant sa détention, le chef des pirates avait bien essayé de monnayer la libération du reporter anglais auprès des autorités britanniques, en vain, celles-ci refusant systématiquement ce genre de chantage.
    De retour à Shanghai en triomphateur, il n’avait pas fallu deux mois à ce sacré bonhomme, qui, hier encore, croupissait sur son île japonaise, pour reprendre les vingt kilos perdus et retrouver une forme olympique. Au bout de cinq jours de suralimentation, il avait replongé dans le métier qu’il exerçait avec passion en rédigeant un article consacré à sa captivité, qui avait immédiatement fait le tour du monde.
    —  De quelle sorte de pierre est faite cette statuette   ? demanda Bowles au sous-officier en charge de la surveillance des objets, qui avait tout l’air d’un flibustier et qu’il avait décidé de tester.
    En pierre de lune, mon cher   ! Comme tous les modèles de ce type utilisés par les empereurs…
    Le bougre s’y connaissait.
    —  Quel beau travail… digne des meilleurs élèves de la Royal Academy, murmura le journaliste, en contemplant l’objet qu’il tenait dans sa paume.
    —  C’est fait exprès. La concubine malade n’avait qu’à désigner au médecin l’endroit où elle avait mal et ce dernier pouvait établir un diagnostic sans la déshabiller. Les empereurs de Chine ont toujours été des gens très jaloux   !
    —  Je vois…
    Malgré ses airs de rustaud et les rouflaquettes rousses qui mangeaient la moitié de son visage de gros buveur de whisky, l’homme avait l’air de bien connaître les us et coutumes de l’Empire du Milieu.
    —  Vous savez, certains empereurs de Chine n’hésitèrent pas à faire décapiter le médecin auquel ils avaient demandé d’examiner de cette façon le corps de leur favorite, parce qu’il s’était révélé incapable de détecter le mal dont elle souffrait… expliqua doctement le sergent, comme s’il racontait là, somme toute, rien que de très normal.
    —  Elle est belle… fit Bowles en caressant le galbe des cuisses potelées de la femme en pierre de lune.
    —  Si vous la voulez, je peux m’arranger pour que l’enchère vous soit
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