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La guerre de l'opium

La guerre de l'opium

Titel: La guerre de l'opium
Autoren: Jose Frèches
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écrites   ! Chez nous, les prises de guerre reviennent d’office à la couronne britannique, à charge pour celle-ci de les répartir justement entre les hommes   ! Et cela depuis l’époque de notre vénéré roi Henri IV… avait lâché Grant devant un somptueux cabinet de laque rouge dont les vandales avaient défoncé à coups de marteau les portes ornées de bas-reliefs dorés en forme de phénix.
    —  Je vous propose de réunir la Commission des prises… avait déclaré, en soupirant et d’une voix aigre, Cousin-Montauban.
    La Commission des prises était l’instance officielle où se décidait le sort des butins de guerre du corps expéditionnaire franco- britannique.
    —  Avant cela, vous devez sommer vos hommes de rendre ce qu’ils ont pris   ! Je dirai même ce qu’ils ont volé   ! lâcha Grant.
    —  Vous n’allez tout de même pas me dire que vos propres soldats se comportent comme des saintes-nitouches et qu’ils ne pillent jamais   ! s’était écrié, agacé, Cousin-Montauban.
    Pour mieux impressionner son homologue français, qu’il sentait ébranlé, Grant avait hélé un de ses fringants officiers d’état-major avant de lui ordonner d’une voix forte :
    —  Tout ce que mes hommes prendront ici sans mon autorisation devra être vendu aux enchères à l’hôpital royal de Chelsea après que la liste exhaustive en aura été publiée, afin que nul n’en ignore, dans la London Gazette   !
    Cousin-Montauban avait cédé, et la Commission des prises s’était réunie devant la porte laquée de rouge de la grande salle des audiences impériales à la serrure tordue par les flammes. De son motif circulaire composé de dragons entrelacés de la taille d’une roue de brouette, il ne restait plus que les pauvres queues calcinées qui pendaient dans le vide.
    Au cours de ce cénacle qui avait délibéré au milieu des ruines était née l’idée d’organiser cette fameuse vente aux enchères de ce que les soldats n’avaient pas réussi à avaler puisque tous les hommes de troupe avaient fait l’objet de fouilles au corps systématiques au moment où ils étaient rentrés au campement.
    Oui, vraiment, se dit John Bowles en contemplant la boîte en argent qui avait appartenu à l’empereur Daoguang, c’était une histoire extraordinaire.., et même extraordinairement belle, dévastatrice pour certains…
    A la fois si extraordinairement belle et dévastatrice qu’elle ne méritait certainement pas de finir dans l’oubli.
    Foi de journaliste   !

 
     
    PREMIERE PARTIE
    La Rivière des Perles

 
    2
     
    Canton, Saint-Pétersbourg, 10 mars 1844, 8 heures du matin
     
    Au-dessus de Canton, tel un dieu vengeur et implacable ne se repaissant que de la barbarie des hommes, un soleil de plomb vient de percer l’épais manteau des nuages qui n’ont cessé, pendant la nuit, de déverser leur pluie diluvienne sur le sol boueux troué de flaques éblouissantes.
    Maintenant que sa vue est libre, l’astre barbare va pouvoir regarder le plus terrible supplice jamais infligé à leurs semblables par les hommes.
    Cet abominable rituel de mort se déroule devant la muraille crénelée du palais du vice-roi, ce lugubre mur d’enceinte qui propulse vers le ciel l’empilement de ses pierres soigneusement taillées, jadis, par des milliers d’esclaves et de prisonniers de guerre qui y ont laissé leurs maigres forces.
    D’ordinaire, la place qui s’étend à perte de vue, depuis la porte septentrionale de la demeure seigneuriale jusqu’aux scintillements de la Rivière des Perles, est bruyante, animée, joyeuse, même si la foule qui s’y presse est en haillons et misérable. Mais une fois par semaine, c’est un lourd et angoissant silence, un véritable dôme sépulcral qui remplace ces rires et ces jurons, ce souffle de la vie, en pesant de tout son poids sur l’attroupement des badauds attirés par l’horreur du spectacle annoncé.
    Tous, ils retiennent leur respiration, figés dans l’attente.
    Les pauvres hères dont la vie consiste à transporter de lourdes charges à la seule force de leurs bras ont cessé leur va-et-vient infernal. Leurs brouettes sont immobilisées et leurs balanciers sont posés à terre, à leurs pieds. Les marchands ambulants qui vendent aux pauvres des fruits, des légumes et des gâteaux à des prix prohibitifs ont perdu leur superbe.
    Le seul bruit perceptible, mais il faut tendre l’oreille ou bien être tout près, au premier rang, sur
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