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La Fille Du Templier

La Fille Du Templier

Titel: La Fille Du Templier
Autoren: Jean-Michel Thibaux
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pèlerinage à Jérusalem. À quinze ans, elle avait été violée sur les
bords du lac Tibériade par des Bédouins qui avaient massacré le pauvre troupeau
de chrétiens à la recherche du Jourdain. Lors de cet atroce supplice, les
monstres lui avaient tranché la langue pour ne plus entendre ses cris. Laissée
pour morte, elle avait été sauvée par des chevaliers. Il lui avait fallu trois
ans pour retourner chez elle, mendiant, s’offrant à des misérables pour
quelques piécettes de cuivre, volant. Parvenue en Provence, elle avait frappé à
la porte du castelet de Meynarguette où Othon d’Aups, pris de pitié, l’avait
engagée comme journalière. À cette époque, Aubeline venait de fêter ses neuf
ans ; elle se prit très rapidement d’affection pour cette muette qu’elle
appelait sa « femme lige ». Bérarde était devenue une amie, une
grande sœur, presque une mère.
    Bérarde s’inquiétait pour Aubeline. Elle n’aimait pas les
longues escapades de la jeune femme. Aujourd’hui, Aubeline n’avait pas
enfourché son destrier. Ce détail avait de l’importance. Bérarde avait au moins
l’assurance qu’elle n’avait pas franchi les frontières du fief. La région n’était
pas sûre en ces temps de troubles, les braves chevaliers et les meilleurs
soldats s’étant croisés pour chasser les mécréants qui cernaient Jérusalem et
éviter l’apocalypse. La Provence était la proie des prédateurs catalans, des
Barbaresques écumant la côte, des brigands pillant les hameaux isolés. L’automne
précédent, des Maures s’étaient aventurés jusque sur le plateau de Siou-Blanc, on
avait dû livrer bataille. Aubeline et elle faisaient partie de la compagnie
levée par les belles dames de Signes. Le combat avait été rude, il s’était
poursuivi durant deux jours et une nuit. Les Maures avaient reculé. Dans leur
débandade, ils avaient perdu la moitié de leurs hommes avant de rembarquer sur
leurs bateaux à Bandol.
    Bérarde cassait du bois. Elle fendait d’un seul coup les
grosses bûches comme elle avait fendu la tête des Maures avec sa francisque. Les
« han » qui s’élevaient de sa gorge – les seuls sons qu’elle pût
produire – se répercutaient sur les collines. De temps à autre, elle soufflait
en s’épongeant le front du revers du bras et écoutait la complainte de l’olifant.
    Qui chassait sur les hauteurs et que chassait-on ?
    Elle n’avait plus de voix mais elle avait l’ouïe fine. Des
brindilles craquèrent. Elle se retourna d’un bloc, la hache en l’air. Puis un
sourire illumina ses traits disgracieux. Aubeline franchissait les houssaies
qui entouraient l’ancien fossé de défense du castelet.
    — Tout va bien, dit Aubeline en joignant des signes à
ses paroles.
    Les deux amies avaient mis au point un langage à l’aide de
leurs doigts, ce qui ne manquait pas d’intriguer leurs connaissances. Dame
Bertrane s’était même mis en tête d’utiliser ce langage rudimentaire pour
déjouer la curiosité des espions, mais ce projet était resté lettre morte. Les
dames de la cour d’amour avaient d’autres préoccupations, dont la première
était de rassembler des fonds pour lever une armée de secours demandée par
Stéphanie des Baux.
    — L’olifant n’a pas cessé de sonner, fit Bérarde.
    — Les dames ont décidé d’occire la Bête, répondit Aubeline.
    Bérarde fronça les sourcils. La Bête rôdait parfois autour de Meynarguette où elle égorgeait des moutons. Des loups, elle en
avait déjà vu et des gros, mais celui-ci, d’après les descriptions qu’on en
avait, était d’une taille monstrueuse. Le chapelain de Château-Vieux affirmait
que c’était Cerbère en personne et qu’il fallait prier très fort sainte Marie
Madeleine pour le renvoyer sous terre.
    — La Bête ne peut être tuée, dit Bérarde par signes. Pas
même avec ça ! ajouta-t-elle en abaissant sa hache, fendant une bûche d’un
coup magistral.
    — Ce n’est qu’un loup. Et il vaut dix marcs d’or.
    Les yeux de Bérarde se plissèrent. Avec une somme pareille, on
pouvait réparer la grosse tour du castelet et l’aménager douillettement, acheter
deux vaches et des semailles de blé dur, du bon blé de Trets et de Fuveau… Peut-être
aussi des robes pour la fête de la Vierge et les tournois de l’été.
    — Qu’est-ce que tu en dis ? demanda Aubeline.
    — J’en dis que la Bête est vorace et qu’elle s’est repue des bravaches qui
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