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La Fille Du Templier

La Fille Du Templier

Titel: La Fille Du Templier
Autoren: Jean-Michel Thibaux
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mort ni le diable, mais elle n’avait
pas l’âme d’acier trempé ni la foi d’un templier. Les pas de Brise-Épée se
rapprochaient, écrasaient les ronces. Le moine priait. Au-dessus de sa tête, les
toiles d’araignée qui constellaient les épines brillaient de mille feux sous l’effet
d’un rayon de soleil. Il crut voir le buisson ardent par lequel Dieu s’était
manifesté à Moïse et ne sentit pas le cuir qui lentement lui ceignait le cou.
    Brise-Épée eut un rire sardonique, prenant son temps.
    — Alors, où vas-tu espionner maintenant ?
    Il serra un peu, juste pour marquer les chairs.
    — C’est bien à l’abbaye de Montrieux que tous les jours
tu allais renseigner l’envoyé du comte des Baux ?… Pauvre fou ! Dès
ton apparition à Aubagne, nous t’avons fait suivre par nos bergers. Tu avais
perdu d’avance.
    Les muscles de son visage s’étaient légèrement contractés. Étrangler
quelqu’un, ce n’était jamais facile, surtout avec un cuir aussi large. L’effort
colorait ses joues creuses, le plaisir aussi. La jouissance diffusait ses ondes,
l’acte devenait charnel. C’était meilleur que de prendre une pucelle… Il serra…
Il serra…
    — Ton prochain compte rendu, tu le feras devant ton
maître Satan !
    Aubeline était pétrifiée, sous ses longs cils noirs
perlaient des larmes, quelque chose d’affreux coulait dans ses veines. Elle
avait pourtant déjà assisté à des pendaisons, à des décapitations, vu des
cadavres tourner au gré du vent au bout de leur corde, des pestiférés dévorés
par les mouches et les asticots. Là, ce n’était pas pareil : elle entendait
râler la victime, imaginait sa face écarlate.
    Brise-Épée en avait terminé. Le regard du condamné se
révulsa et son corps se cabra. Il sombra.
    Le capitaine resta un moment penché sur le cadavre, puis se
releva, en sueur, le souffle court. Une vague sensation de dégoût l’envahit peu
à peu et il pensa soudain à soulager son âme. Il irait dès ce soir à confesse. Peut-être
aurait-il dû accepter quelques lignes sur un parchemin ? S’en remettre à
la justice du comte Bertrand ou à celle des dames de la cour d’amour, qui
vouaient une haine sans égale à Raymond Bérenger ? Les dames n’étaient pas
tendres avec les traîtres et les espions. Sur leur ordre, bon nombre de
renégats avaient été exécutés et leurs têtes pourrissantes étaient exposées à
la croisée des chemins.
    Il détacha son regard des orbites bleues du moine, releva la
tête, déglutit avec effort et rajusta sa ceinture. Ses hommes n’avaient pas
bougé. Durs et froids, ils avaient respecté le rituel de la vengeance et
attendaient les ordres de leur chef.
    — Allez, dit ce dernier, prenez ce chien et jetez-le
dans le gouffre des bergers. Il ne faut pas qu’on sache que nous avons procédé
à une exécution sans jugement.
    Aubeline les vit grimper vers la ferme abandonnée qui
servait de refuge aux bêtes et aux fleurs sauvages. Il y avait là un trou sans
fond, un puits que les bergers s’étaient approprié lors de l’arrivée des Grecs.
Les bergers y enfermaient leurs morts selon des rites païens. Le trou était
obturé par une lourde pierre plate ; les quatre hommes la déplacèrent à l’aide
de leurs chevaux. Quand le gouffre apparut, ils y firent glisser la dépouille
de l’espion, puis s’empressèrent de refermer cette bouche s’ouvrant sur l’enfer.
    Longtemps Aubeline regarda cette dalle caressée par le
soleil. Ainsi, voilà ce que savaient faire les guerriers provençaux : assassiner
lâchement. Un homme avait été victime de la lutte fratricide entre les maisons
de Barcelone et de la Sainte-Baume. La jeune fille n’ignorait pas qu’elle avait
été le témoin d’un meurtre mille fois répété dans tout l’Occident et l’Orient.
    L’Europe était sur le déclin. Les guerres intestines
ravageaient la chrétienté et le jeune royaume de Jérusalem. Mais comment
pouvait-on inverser cette tendance quand on avait vingt ans et qu’on était une
femme ?
     
    Bérarde, si l’on tenait compte de sa généreuse poitrine et
de sa longue tresse fauve, était une femme. Mais dans le comté tous, unanimement,
disaient que la Bérarde était un homme travesti. Colosse aux muscles noueux, elle
avait un visage ingrat au nez cassé. Née en Savoie, dans la vallée sauvage de la Bérarde, descendante des redoutables Burgondes, elle avait suivi ses parents lors d’un
périlleux
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