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La Fille Du Templier

La Fille Du Templier

Titel: La Fille Du Templier
Autoren: Jean-Michel Thibaux
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voulaient la dépecer. J’en dis aussi que pour dix marcs d’or, je
te mènerai jusqu’à sa tanière.
    Elle s’était exprimée très rapidement, traçant des
arabesques de ses doigts calleux couturés de cicatrices.
    Tu sais où est son repaire ? s’étonna Aubeline.
    Je suis une Burgonde, j’ai vécu avec les loups clans les
Alpes. Les hommes sont plus cruels, je te l’accorde.
    Aubeline acquiesça. Les hommes étaient pires que les loups
et les ours, plus venimeux que les vipères.
    Elle en avait fait l’expérience une heure plus tôt ; elle
lui parlerait plus tard du meurtre commis par Brise-Épée. Rapporter la peau de la Bête primait sur ses confessions. Dix marcs d’or. Elle les voyait briller, ces pièces
vénitiennes qui avaient cours sur la côte. Seul le solidus byzantin était plus
recherché. Les autres monnaies se dévaluaient au gré des défaites, des famines
et des prises de pouvoir.
    — Tu vas me conduire à cette tanière. Prépare les
épieux. On va débusquer ce monstre et lui percer le cœur.

3
    Longtemps l’olifant avait vibré, mugissement qui inquiétait
le gibier, alertant les lièvres, les renards, les sangliers, les loups et toute
la gent des bois et des forêts. Puis il s’était tu du côté du col de Taillane. Les
dames, leurs traqueurs et leurs écuyers avaient renoncé à déloger la Bête invisible. La troupe rentrait à présent à Signes en deux groupes distincts, l’un se
rendant à Château-Vieux, l’autre galopant vers l’étincelant castel de la cour d’amour
dont les tours élancées dominaient le plan couvert de blé vert et de jeunes
vignes.
    La voie était libre. Deux petits tourbillons de poussière
grise salirent la panse de la montagne, deux femmes dévalant la pente à toutes
jambes et se laissant parfois glisser sur les pierres.
    Visiblement, elles étaient poursuivies ou poursuivaient
quelqu’un. Leur course folle leur fit traverser des ronces agressives, sauter
les rochers et bondir par-dessus les ravines. Après une grimpette de quatre
cents pas, elles se mirent à courir sur la crête couronnée de buissons fleuris.
    Arrêtons-nous ! cria Aubeline. Mes jambes ne me
soutiennent plus.
    À cet appel, Bérarde s’immobilisa, sourit et la couva d’un
regard maternel.
    — C’est bon, reposons-nous, fille de templier, fit-elle.
    Il y avait de l’ironie dans son attitude. Elle, la Burgonde, ne ressentait aucune fatigue. Elle demeura debout, jambes légèrement écartées, épieu
à la main. Les tranchants de sa hache liée sur son dos étincelaient au soleil. Elle
garda l’œil rivé dans une seule direction, humant les effluves animaux soulevés
par le mistral qui faiblissait. Toujours se tenir dans le vent. Ne pas tourner
le dos au prédateur. Elle le savait là, tapi dans l’amoncellement cyclopéen des
roches de la Sainte-Baume.
    Aubeline fut soulagée. Respirant par saccades, elle s’accroupit
au bord de la petite falaise en s’essuyant le front et les yeux du revers de la
main. L’acidité de la sueur lui brûlait les pupilles, le soleil se complaisait
à attiser ce feu qui brouillait sa vision. Un bourdonnement absurde allait et
venait dans son crâne, une douleur aiguë la lançait au genou gauche, une forge
grondait dans sa poitrine… Je ne suis pas digne des chevaliers du Temple, pensa-t-elle
en enviant la Bérarde aussi imperturbable que la statue de l’archange Gabriel.
    Peu à peu, elle recouvra ses sens. La joie s’empara d’elle, elle
sentait à nouveau l’odeur des thyms et des marjolaines. La tête pleine de plats
préparés par Bérarde, elle affronta de toute sa taille la masse inquiétante de la Sainte-Baume.
    — Elle nous a échappé, je ne la sens plus. Je ne la
sens plus.
    Elle ne l’avait jamais sentie ; elle essayait de le
faire croire à la Burgonde qui pourtant n’était pas dupe.
    — Le nez ne suffit pas ! asséna-t-elle en frottant
son appendice cassé. C’est l’instinct qui doit te guider ! Tu ne dois
faire qu’un avec la Bête, penser comme elle, aimer le sang frais.
    Bérarde la rejoignit, planta sa carrure face au panorama
grandiose qui déroulait ses verts, ses bleus et ses gris jusqu’à la mer
miroitant à dix lieues. D’un geste brusque, elle releva la mèche rousse qui
pendait sur son œil gauche. Elle avait une très bonne vue ; à Saint-Jean-d’Acre,
elle avait été guetteuse sur la plus haute tour. Peut-être apercevrait-elle ce
loup de malheur.
    Le vent cessa brusquement,
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