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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate
Autoren: Pierre Naudin
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s’achevait. Ogier et Thierry s’éloignèrent.
    – Messire, vous venez de jurer. À la moindre imprudence…
    – Je n’en commettrai aucune. J’ai parfois agi, c’est vrai, comme un hutin. Ces hommes parmi lesquels nous vivons ne respectent que la force et tolèrent les emportements… jamais la faiblesse.
    Ogier dut se le confesser, cependant : il luttait contre une sorte de crainte, de tristesse ; une grisaille de l’âme où son entreprise, Isabelle et l’appréhension de ses prochains galops n’étaient pas seules en cause. Peut-être exagérait-il le souci qu’il se donnait en évoquant Blandine, alors qu’il eût dû être heureux de la revoir, mais une pensée le harcelait : entre la jouvencelle et lui, rien n’était présentement possible.
    Marchant lentement vers la porte de l’Aumônerie, alors qu’autour de lui les bataillards se dispersaient, sa dextre fut saisie par une main nerveuse :
    – Combien vous semblez dolent, messire !
    Isabelle ! L’indéniable beauté de ce visage blanc sous l’éphémère couronne d’or, se trouvait altérée surtout par le regard : des yeux de chasseresse retrouvant le gibier.
    – Dolent ? Oh ! non. Vous vous méprenez, damoiselle.
    – Avez-vous revu Blandine ?… Est-ce d’elle que vous languissez ?
    Elle lui décochait un second sourire, mais d’une espèce différente : apitoyé. Elle était, de toute évidence, disposée à l’irriter. Déçue du peu d’effet de sa compassion, elle avait beau se hausser sur ses pieds, froncer le sourcil, lever ce menton que Blainville avait pincé, il n’était ni à sa merci ni à sa dévotion. Il dégagea sa main d’un empoignement désagréable.
    – Je ne l’ai pas revue… Êtes-vous satisfaite, ô reine ?
    Il la revoyait distinctement – et Thierry aussi, sans doute – liée au tronc d’un arbre, transie de frayeur, de pluie, de froid. Se pouvait-il qu’elle eût oublié cette nuit et les périls dont il l’avait délivrée ?
    Avant l’aube, il avait revécu cette scène. Différemment. Il chevauchait dans une vaste et funèbre forêt à la recherche d’Adelis qui ne répondait point à ses appels. Soudain, comme enfanté par des buissons, Guesclin se ruait sur lui. Après quelques taillants d’une aisance parfaite, il atterrait le Breton, posait un pied sur son plastron de fer maculé de sang et de boue et demandait en rengainant son épée : «  Est-ce toi qui l’as occise ? » Le carognard avouait son méfait, interrompant ainsi le rêve. Or, maintenant, Blandine semblait elle aussi menacée : d’une voix de feutre imbibée de venin, Isabelle susurrait :
    – Qu’espérez-vous en faire ?
    Elle évoquait celle dont elle avait fait son ennemie de la même façon qu’elle se fût souvenue d’un affïquet sans valeur. Cette dérision doucereuse parut plus offensante encore à Ogier que le rire de Raoul de Leignes, tout à coup présent, et fier d’être embrelicoqué dans un haubergeon de mailles indigne de lui.
    – Je ne sais, reine, ce que vous voulez dire. En faire quoi  ? Ce que vous voudriez que je vous fasse ?
    Isabelle en blêmit. Sa royauté précaire, pour le moment inutile et passive, se heurtait à cette irrévérence dépourvue de vilenie. Il était trop heureux pour lui vouloir du mal. Blandine était délicieuse. Une âme pure, honnête, à l’état de cristal.
    Ogier se délecta d’imaginer les regards de la pucelle lorsqu’elle le découvrirait, miroitant dans son fer, exhibant le poing rouge au-dessus de son heaume. Avec l’aide de Marchegai, il supporterait le choc des rochets adverses jusqu’à l’ultime course : le dernier coup de lance des dames.
    –  J’ose espérer, damoiselle Isabelle, que vous saurez gouverner ce royaume de deux cents sujets… Un bon règne, à mon goût, est fait d’équité, de justice, d’indulgence… C’est la grâce que je souhaite au vôtre…
    Et allongeant le pas, il entraîna Thierry, sachant bien que ce départ brusqué, sans constituer un crime de lèse-majesté, courroucerait la donzelle. Mais quoi ? Sa seule présence le pénétrait d’un malaise insoutenable.
    – Ça ne s’arrange pas, messire !
    – Que voulais-tu que je fasse ?… Que je m’agenouille et baise sa robe à défaut de baiser ses nasches (11)  ?
    – Certes non.
    – Si je plie, elle me méprise ; si je résiste…
    – Elle ne vous admire pas pour autant… Elle est folle… Mais voyez ces deux-là !
    Devant
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