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La dernière nuit de Claude François

La dernière nuit de Claude François

Titel: La dernière nuit de Claude François
Autoren: Bertrand Tessier
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et j’ai gagné… Que le temps passe… On m’a blessé, on m’a meurtri, j’ai encaissé, je n’ai rien dit, il fallait que je sois le champion, je suis le champion… Et le temps passe, j’ai ri et j’ai bu, j’ai voulu et j’ai pu… Que le temps passe, mes rêves se sont envolés 1 …

    Par quel étrange pressentiment a-t-il ressenti le besoin d’écrire ce texte plus autobiographique que jamais ?

    Il avait bien fallu poser la question : quel enterrement réserver à Claude François ?
    Jean-Pierre Bourtayre et Guy Floriant s’étaient souvenus du 19 août 1977. Ce jour-là, ils séjournaient à Londres avec Claude François pour les besoins d’un show télévisé. Dans sa suite du Hilton Park Lane, ils avaient suivi en direct à la télévision les funérailles du King, Elvis Presley. Son cercueil avait été transporté dans un corbillard blanc et argenté, croulant sous les fleurs, escorté par six motards de la garde républicaine, précédant un convoi de limousines noires long comme un pipe-line en plein désert saoudien.
    — Putain d’enterrement de star, non ? avait dit Claude François.
    Ils allaient donc lui réserver un putain d’enterrement de star. Lui aussi serait accompagné d’un convoi de limousines noires. N’avait-il pas toujours raffolé des belles américaines ?
    Un détail avait particulièrement marqué Claude François : Elvis avait été embaumé.
Comme les pharaons de son Égypte natale. L’enfant d’Ismaïlia qui rêvait d’immortalité serait donc embaumé.
    Dans l’Antiquité, l’embaumement consistait à enlever les viscères et à les remplacer par des bandelettes imprégnées de résine. On ne touchait pas au cœur, symbole de vie. Mais, depuis l’époque moderne, il s’agit de préserver le corps dans les meilleures conditions jusqu’à l’inhumation, grâce à l’injection de produits chimiques dans les artères.
    Le lundi après-midi, les employés des pompes funèbres s’isolent dans la chambre, laissant les proches, muets, dans le salon. Ils garderont à jamais le souvenir de leur attente, silencieuse, alors que les thanatopracteurs s’activaient. Ce sont eux qui habilleront une dernière fois Claude François. Chouffa a refusé qu’il porte un costume de scène à paillettes. Kathalyn et Sylvie choisiront une chemise blanche et un costume en velours bleu marine. Pas de cravate : il détestait en porter dans l’intimité.
    Plus complexe, en revanche, apparaît l’organisation d’une messe. L’évêché s’oppose formellement à une cérémonie à la Madeleine. Il refuse même l’idée d’obsèques à l’église. Claude François aurait mené une vie dissolue : divorce, enfants hors mariage, amours sans lendemain. Dans une France en pleine mutation, il incarne
une liberté que réprouvent les instances religieuses, recroquevillées sur leurs principes. Argument massue : il avait déclaré lors d’une interview être « athée ». Au fil des ans, l’ancien enfant de chœur s’était éloigné de la pratique religieuse, mais il avait toujours été habité par une quête spirituelle. « À quoi ça sert, tout ça, s’il n’y a rien après ? », répétait-il souvent.
    Josette est ulcérée. Elle ne veut pas que son frère soit enterré comme Molière : à la sauvette. Sa fille étant élève à Notre-Dame des Oiseaux, le collège privé le plus strict du XVI e , elle fait appel aux sœurs qui s’en occupent pour plaider sa cause. Elle leur apporte même une photo de la chambre de son frère : le mur du fond est recouvert d’icônes. Il les avait achetées, deux ans plus tôt, lors de son voyage en Finlande avec Sofia.
    Finalement, Josette obtient gain de cause. Une messe sera célébrée à l’église d’Auteuil.
    Elle a choisi le 15 mars. Car c’est un mercredi, le jour des enfants.

Mercredi
15 mars 1978

    Dès le petit matin, la foule a envahi les alentours de l’église d’Auteuil. Des hommes, des femmes, beaucoup de femmes, des jeunes et des plus âgées, des enfants aussi, qui veulent à tout prix assister aux obsèques de celui qui les avait tant fait rêver. Venus de province, de banlieue, de tous les arrondissements de la capitale, certains ont dormi dans leur voiture pour être au premier rang, derrière les barrières métalliques – étrangement les mêmes que celles utilisées lors de ses concerts. Pour mieux voir. Pour mieux pleurer : on pleure mieux au premier rang. Quelques-uns ont envahi
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