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La dernière nuit de Claude François

La dernière nuit de Claude François

Titel: La dernière nuit de Claude François
Autoren: Bertrand Tessier
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Quand on rêve de la mort de quelqu’un, on dit que ça prolonge sa vie de sept ans. J’imagine que lorsqu’on rêve de sa propre mort, cela doit être la même chose.

    Après avoir habillé Claude François, qui reposait jusqu’alors sous un drap blanc, d’un jean et d’un T-shirt blanc, ils décident de filtrer soigneusement l’entrée de l’appartement afin que personne ne puisse photographier l’artiste sur son lit de mort. Ils veulent que le public garde le souvenir de la star souriante et virevoltante qu’il a toujours connue. Nul ne pourra entrer dans sa chambre sans être accompagné d’une personne de confiance.
    Il est vrai que, aussitôt après l’annonce de sa mort, les meilleurs paparazzi de Paris se sont précipités vers le boulevard Exelmans. Les uns se sont installés dans les immeubles du trottoir d’en face pour essayer de saisir, au téléobjectif, des moments d’intimité de la famille, les autres ont commencé à essayer de soudoyer des proches : ils proposent de leur confier un Minox, le plus petit appareil du moment, avec en prime 50 000 francs de l’époque s’ils parviennent à prendre le cliché. Aucun n’acceptera. Claude François en a agacé beaucoup de son vivant, mais tous sont sincèrement sous le choc de sa disparition.
    Animateurs de radio, présentateurs de télévision, vedettes de la chanson se relaieront pour un dernier hommage tout au long de la soirée. Même Alain Chamfort avait tenu à se recueillir devant sa dépouille. Claude avait
lancé sa carrière avant de se fâcher avec lui car, devant l’hystérie qu’il suscitait dans le public féminin, il avait fini par le voir comme un rival ; de son côté, Chamfort étouffait dans son costume de clone. Cloclo est mort sans relève, sans héritier. Michel Drucker sera l’un des derniers à venir le samedi soir : durant la soirée, le ventre noué, il a enregistré une émission spéciale consacrée à son ami.
    Tous seront frappés par l’incroyable sérénité que Claude dégage sur son lit de mort. Tous témoigneront du même sentiment : l’impression qu’il dort et que, tout à l’heure, demain, dans une semaine, il se lèvera et reprendra sa course effrénée comme si de rien n’était. Comme si tout cela n’avait été qu’une bonne blague.
    Dalida, l’ancienne reine de beauté du Caire, devenue elle aussi une star de la chanson française, prendra à part Josette et lui soufflera à l’oreille :
    — Mektoub !
    En arabe, cela veut dire : c’est le destin.

    Dimanche soir, la droite a gardé la majorité aux élections législatives, avec 52,06 % des voix.
On spécule déjà sur la reconduction de Raymond Barre comme Premier ministre. Au fond, rien n’a changé, la V e République n’a pas vacillé. Mais, le lundi, toute la presse ne parle que de la mort de Claude François. L’hommage est unanime. Libération , goguenard, n’a rien trouvé de mieux que de faire un titre mêlant électrocution et élections : « Claude François a volté. » Rappelant que Maria Callas et Martine Carol sont aussi décédées dans leur salle de bains, le quotidien évoque « une grande méfiance pour ce lieu souvent mal connu » et conclut par un ironique : « Désormais, les ennemis de Claude François sont au chômage. »
    Dans les ateliers, dans les bureaux, dans les cantines, dans les cours de récréation, la mort de l’artiste est le centre de toutes les conversations. Tout le week-end, la radio et la télévision ont véhiculé le fait qu’il était mort en voulant changer une ampoule, sur la foi de la première dépêche tombée sur les téléscripteurs de l’AFP. Même Le Journal du dimanche du 12 mars a repris cette information. Une imprécision qui va entretenir la machine à rumeurs : comment un homme réputé maniaque a-t-il pu commettre une telle imprudence ? N’est-ce pas une manière de masquer une réalité moins reluisante ? En fait, et c’est ce qui alimente les conversations, passée la première émotion, personne ne croit à la version officielle.

    On commencera par évoquer l’hypothèse d’une électrocution due à un sèche-cheveux, un rasoir électrique ou un vibromasseur. Mais, dans ce cas, pourquoi s’être compliqué la vie à invoquer d’autres ustensiles électroménagers ? On parlera aussi d’overdose : sa formidable énergie n’était-elle pas le résultat d’une forte consommation de cocaïne ? Tous les témoignages l’affirment,
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