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La Dernière Année De Marie Dorval

La Dernière Année De Marie Dorval

Titel: La Dernière Année De Marie Dorval
Autoren: Alexandre Dumas
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relations
sociales.
    – Monsieur, lui dis-je, vous m’excuserez
de vous avoir choisi, par une sympathie instinctive, entre tous vos
collègues pour venir vous demander un service.
    M. Falloux s’inclina en homme qui
dit : J’attends.
    – Madame Dorval vient de mourir,
continuai-je, et dans un tel état de dénûment que c’est à ses amis
et à ses admirateurs de se charger de ses funérailles. Je suis de
ses amis, j’ai fait ce que j’ai pu ; vous devez être de ses
admirateurs, faites ce que vous pouvez.
    – Monsieur, me répondit M. Falloux,
comme ministre, je ne puis rien ; mon département n’a pas de
fonds pour les artistes dramatiques ; mais, comme simple
particulier, permettez-moi de vous offrir ma contribution à l’œuvre
pieuse.
    Et tirant sa bourse de sa poche, il me remit
cent francs.
    Il n’y avait pas loin de la rue Bellechasse à
la rue de Varennes : je remontai en cabriolet, et j’allai
porter mes cent francs.
    Hugo venait d’en apporter deux cents qu’il
était allé prendre, je crois, au ministère de l’intérieur. Deux
cents francs encore, et les premiers frais étaient couverts, et
Dorval avait une tombe provisoire de cinq ans.
    Pendant ces cinq ans on aviserait.
    Je demandai à Merle une lettre pour un
personnage tout-puissant ; je vainquis ma répugnance, je me
présentai moi-même chez lui ; j’eus toutes sortes de promesses
pour ces deux misérables cents francs.
    Le lendemain, je finissais par où j’eusse dû
commencer : je mettais ma décoration du Nisham en gage, et je
les avais.
    Le 20 mai, je crois, les funérailles eurent
lieu.
    Qui y était ? qui les a vues ? qui
se les rappelle, ces funérailles si tristes, où tous les cœurs
étaient si brisés que personne ne prit la parole ?
    Camille Doucet seul, ne voulant pas que cette
ombre triste et voilée descendît au plus profond de la mort sans un
mot d’adieu, prononça quelques amies sur la tombe.
    Je n’ai vu de deuil, de silence et de
tristesse pareils qu’au convoi de madame de Girardin.
     
    On me poussa pour parler ; outre que je
ne sais parler ni dans un dîner ni sur une tombe, j’ai, – dans ce
dernier cas, et surtout plus je regrette sincèrement le trépassé, –
j’ai l’idiotisme des larmes.
    Je m’avançai, j’ouvris la bouche, mes sanglots
m’étouffèrent.
    Je ne pus que me baisser, briser une fleur de
la couronne qui avait accompagné son cercueil et que l’on venait de
jeter sur sa tombe, la porter à mes lèvres et me retirer.
    Tout était dit.
    La pauvre chère créature pouvait dormir là,
tranquille pendant cinq ans.

Chapitre 10
     
    Mais restait à s’occuper des vivants.
    Dorval m’avait dit vrai : le dénûment
était absolu.
    Merle avait passé sa vie à glorifier
mademoiselle Rachel ; à ce talent savant et classique, il
avait tout sacrifié, jusqu’au génie instinctif de la pauvre Marie.
Je l’avais vue bien souvent attristée de cette espèce de trahison
dans sa propre famille.
    On pensa, Dorval morte, à se faire un appui de
cette partialité.
    On sollicita et l’on obtint une représentation
du Théâtre-Français.
    Si l’on eût fait pour la vivante ce que l’on
consentait à cette heure à faire pour la morte, peut-être ne
serait-elle pas encore à cette heure au tombeau.
    On sollicita Rachel.
    Rachel consentit : seulement les délais
furent longs.
    Dorval était morte le 18 mai ; la
représentation ne put avoir lieu que le 13 octobre.
    Elle produisit six mille cinq cents francs de
bénéfice net.
    Cette représentation avait été pendant cinq
mois le rocher de Sisyphe du pauvre Luguet : chaque matin il
avait soulevé une promesse ; chaque soir il avait été écrasé
par un retard.
    Pendant ce temps, lui, qui avait tout sacrifié
son dévouement filial, même son état, puisqu’il avait rompu son
engagement pour suivre Dorval, jouer avec elle et la soigner, lui
n’avait gagné aucun argent.
    De sorte que cette représentation, qui eût
pu     sauver Dorval de la mort avant sa mort,
sauver ses enfants de la misère, venant dans les quinze jours de sa
mort, était une pierre dans un gouffre cinq mois après sa mort.
    Cependant, Luguet rentra à la maison,
reconnaissant envers la grande artiste, qui, tout en acquittant un
devoir de fraternité, venait de faire une bonne action.
    Il rêvait, grâce à ces six mille cinq cents
francs, l’acquisition du terrain à perpétuité, et sur la tombe un
petit monument, ou tout au moins une
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