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La Dernière Année De Marie Dorval

La Dernière Année De Marie Dorval

Titel: La Dernière Année De Marie Dorval
Autoren: Alexandre Dumas
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yeux.
    Le sang jaillit aussitôt.
    Dorval porta les deux mains à son visage.
    Entre ses doigts et sous ses mains, le public
vit couler le sang.
    Le spectacle fut interrompu, Luguet l’entraîna
hors de la scène, et pendant que le médecin appelé rapprochait les
chairs, pour que la représentation pût continuer :
    – Mon ami, dit-elle, il faut dire adieu
au théâtre ; les directeurs me le disent par leur abandon, et
voici un présage plus sérieux encore.
    Ce soir tout sera fini.
    Elle avait raison, la pauvre créature !
tout était fini.
    On a vu cependant qu’elle avait essayé de tout
renouer : le Théâtre-Français l’avait repoussée. On a vu
qu’elle avait voulu donner des représentations à Caen :
    La mort s’était mise sur la route.
    Cette fois, non-seulement elle ne devait plus
rentrer au théâtre, mais se relever de son lit.
    – Faites déchirer les affiches, et
envoyez chercher un prêtre, avait-elle dit.
    Luguet la prit dans ses bras et la porta
jusqu’à l’hôtel.
    Elle ne pouvait pas marcher.
    Puis lorsqu’il l’eut déposée sur son lit.
    – Maintenant, mon ami, dit-elle, allez me
chercher par la ville une petite chambre bien simple, qui ait l’air
d’une cellule,
un mur blanchi à chaux avec un lit, une table et
un crucifix pour tout meuble et tout ornement.
    Le même soir on était dans la chambre
désirée.
    Le premier soin de Dorval fut alors de
recommander à Luguet de ne rien écrire de son état à Paris, et de
laisser croire à toute la pauvre famille que les représentations
avaient leur cours.
    Luguet le promit.
    Alors seulement elle permit que l’on
s’inquiétât de chercher un médecin.
    Ni Dorval, ni Luguet ne connaissaient personne
à Caen.
    Ils s’informèrent, on leur indiqua
M. Lecœur.
    Il y a des noms qui sont une indication de
caractère : à la première visite le docteur Lecœur ne fut pas
un médecin, ce fut un ami.
    Oh ! lui comprit bien la maladie de
Dorval !
    – Madame, lui dit-il, après l’avoir
examinée, votre médecin réel, si vous le voulez bien, ce sera
vous-même ; votre mal est un de ceux contre lesquels toute la
science du monde ne peut rien.
    Et il avait raison, le bon docteur.
    Aussi sa visite de tous les matins, – et
pendant cinq semaines il ne manqua pas un seul jour, – aussi sa
visite de tous les matins était-elle une visite, non pas de
médecin, mais d’ami.
    L’agonie dura trente-sept jours et trente-sept
nuits.
    Pendant trente-sept jours et trente-sept
nuits, Luguet veilla au chevet de la mourante, dormant, quand il
dormait, assis sur la seule chaise de la chambre, la tête appuyée
sur le matelas.
    Il n’y avait qu’un lit.
    Tous les soins,
tous
, étaient rendus
par lui à Dorval.
    On n’avait pas d’argent pour prendre une
garde.
    Il changeait la malade de linge et de
draps ; puis, dans la même chambre, il lavait et faisait
sécher les draps, le linge, pour que Dorval eût le lendemain des
draps blancs et une chemise blanche.
    On n’avait pas d’argent pour payer une
blanchisseuse.
    On engageait ou l’on vendait, pour faire face,
aux dépenses qu’on ne pouvait pas absolument éviter, le peu de
bijoux qui restaient.
    Puis l’on écrivait à la pauvre Caroline, qui
demandait des nouvelles des représentations et de la
santé :
    – 
Tout va bien
, nous jouons tous
les soirs, et tous les matins nous allons à la campagne ;
nous nous amusons beaucoup
.
    Vous voyez, ma grande amie, que ce mot
sublime !
que notre pauvre Marie prononça en posant
sa main mourante sur la tête de son gendre, n’était point une
exagération, mais, au contraire, était à peine une justice.
    Un jour le docteur prit Luguet à part.
    Celui-ci avait compris le signe fait par lui,
et, la sueur de l’agonie au front, l’avait suivi jusqu’à la
porte.
    Là, le docteur posa la main sur l’épaule de
Luguet.
    – Mon cher monsieur Luguet, lui dit-il,
je suis venu aujourd’hui, j’en ai bien peur, pour la dernière fois.
Attendez-vous à une grande catastrophe : ma mission est finie,
continuez la vôtre avec le même courage et le même dévouement.
    Il partit.
    Il n’avait rien appris de nouveau à Luguet, et
cependant celui-ci se mit à pleurer comme s’il apprenait la
première nouvelle de cet accident.
    Il y avait en effet depuis deux ou trois jours
chez Marie des idées toutes nouvelles, parfois bizarres, tenant du
délire. Elle avait passé la nuit précédente à se rappeler les vieux
airs des
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