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La Dernière Année De Marie Dorval

La Dernière Année De Marie Dorval

Titel: La Dernière Année De Marie Dorval
Autoren: Alexandre Dumas
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Chapitre 1
     
    Ma grande amie,
    Vous venez de nous raconter, avec votre cœur
de colombe et votre plume d’aigle, quelques détails sur les
derniers moments de notre chère Dorval. Des gens étrangers à sa
famille, nous sommes peut-être, vous comme femme, moi comme homme,
– ceux qui l’avons, je ne dirai pas
le plus,
mais
le
mieux
aimée.
    Cependant, mettons avant tout le monde, et
avant nous-mêmes, ce bon et noble cœur que vous glorifiez et qui se
glorifie lui-même dans les lettres que vous citez de lui, – mettons
celui sur la tête duquel Marie Dorval mourante posait sa main déjà
froide, tandis que de ses lèvres, qui ne devaient plus s’ouvrir,
elle balbutiait ce dernier mot qui le recommandait aux hommes, mais
encore plus à Dieu :
    SUBLIME !
    Mettons à part ce grand artiste dont on ne
connaît que le talent et dont, nous, nous connaissons le cœur,
mettons à part René Luguet.
    Je vais vous raconter à mon tour la dernière
année de la vie de notre Marie, la dernière heure de sa mort.
    J’étais là quand elle est morte.
    Les détails que je vais mettre sous vos yeux
et sous ceux de mes lecteurs habituels, devaient venir à leur tour,
et prendre chronologiquement place dans mes
Mémoires
. Mais
peut-être est-il bon qu’ils voient le jour avant l’heure et que mon
récit suive le vôtre.
    Vous savez bien, n’est-ce pas, ma grande amie,
que je ne veux lutter avec vous que d’amitié et de souvenir pour
celle qui n’est plus ?
    – Les artistes dramatiques, dit-on, ne
laissent rien après eux. – Mensonge ! – Ils laissent les
poètes dont ils ont représenté les œuvres, et c’est à ceux-là qui
ont une plume, quand toutefois avec cette plume ils ont un cœur, –
c’est à ceux-là de dire quels saints et quels martyrs sont parfois
ces parias de la société qu’on appelle les artistes
dramatiques.
    – Vous qui l’avez si bien connue, la
pauvre Marie, vous allez me dire, ma sœur, si vous la
reconnaissez.
    Prenons-la au moment de cette grande douleur
qui la mit au tombeau. Comme vous l’avez dit, Dorval avait trois
filles.
    L’une de ces trois filles, Caroline, épousa
René Luguet, celui qu’en voyant jouer ses rôles on appelle le
joyeux Luguet
.
    Châteaubriand s’étonne de la quantité de
larmes que contient l’œil des rois.
    Pauvre artiste ! tu as eu un chagrin
royal, car tu as bien pleuré !
    Luguet eut un fils ; il reçut au baptême
votre nom, ma sœur ; il le reçut en mémoire de vous, – on
l’appela Georges.
    Cet enfant était une merveille de beauté et
d’intelligence, une de ces fleurs pleines de couleur et de parfum
qui s’ouvrent au dernier souffle de la nuit et qui doivent être
fauchées à l’aurore.
    Vous avez dit les douleurs de Dorval
vieillissant, vous avez montré la femme à la robe noire ; elle
eut une robe couleur du ciel, la pauvre grand’mère, le jour où lui
naquit cet enfant.
    C’était, en effet, pour elle qu’il était né,
et non pour son père et sa mère ; elle le prit dans ses bras
le jour de sa naissance, et le garda en quelque sorte dans ses bras
jusqu’au jour de sa mort.
    À trois ans, Dorval l’emmena avec elle. Il est
mort à quatre et demi. Elle allait faire une tournée dans le
midi ; elle allait à Avignon, à Nîmes, à Perpignan, à
Marseille.
    Nous avons dit, ou plutôt vous avez dit, ma
grande amie, – pardonnez-moi, vous l’avez si bien dit selon mon
cœur, que je me suis trompé et que je croyais que c’était moi qui
l’avais raconté, – vous avez dit, ma grande amie, les besoins de
cette famille dont Dorval était à la fois la pierre angulaire, le
pilier souverain, la clef de voûte.
    L’enfant ne savait pas cela, lui ; il
ignorait qu’à côté des bravos et des fleurs, il fallait
l’argent ; il ne voyait que les fleurs, il n’entendait que les
bravos.
    Mais quand, une fois dans la ville nouvelle,
on l’avait conduit au spectacle, quand il avait assisté au triomphe
de sa grand’mère, quand il l’avait, en même temps que toute la
salle, applaudie de ses petites mains, elle lui disait –
elle
– je n’ai pas besoin de dire que c’est Dorval.
    – Georges, il serait trop fatigant pour
toi de venir tous les soirs au théâtre ; je te coucherai en
partant, mon petit Georges, et je te réveillerai en rentrant pour
t’embrasser.
    Et il lui répondait :
    – Oh ! mè mère, sois
tranquille ; va, le petit Georges se réveillera bien tout
seul.
    Et en effet, quand Dorval
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