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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare
Autoren: Pierre Naudin
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où l’on voyait d’abord de gros sourcils fri cheux, puis le nez aplati dans quelque échauffourée, le menton entaillé d’une fossette et d’une cicatrice. Les cheveux bruns étaient taillés à l’écuelle ; certains grisonnaient bien que ce chevalier d’aventure n’eût guère plus de trente ans. C’était un goguelu (200) abrupt, solide, sans nuance ni valeur humaine estimable quand bien même il voulût se donner l’apparence d’un preux. Il était vêtu d’un pourpoint de tiercelin noir – cette étamine souple employée pour les vêtements légers et les doublures des tentures et des bannières. Le noir lui convenait. Il l’avait fait rehausser de parfïlures d’or au col et au-dessus de la ceinture d’armes. Ses jambes étaient gainées de coutil, l’une rouge, l’autre safran. Des heuses à bout pointu lui montaient aux genoux. Il portait des éperons dorés qu’il ne devait quitter que le soir et poser à son chevet afin de les voir briller avant de s’endormir.
    –  Buvons un coup et portons-nous la santé !
    – Je n’y tiens pas… Je ne bois guère et quand je vide un gobelet ou un hanap, c’est avec des hommes à ma semblance, qu’ils soient chevaliers, manants ou armuriers comme maître Goussot… Mais… Oh ! Robert, que t’advient-il ?
    Paindorge venait d’apparaître. Il frottait doucement son menton dont la rougeur qui virait au noir ne devait rien au soleil.
    – Où t’es-tu fait ça, mon compère ?
    – Demandez-le, messire, à cet homme.
    – Je l’ai buqué 13 , dit Archiac en recouvrant son sourire.
    – Qu’avait-il fait ?
    – Saisi avant moi l’étrille que j’allais prendre.
    – Il y a quatre étrilles, dit maître Goussot. Toutes à la même place.
    – Il a pris celle que je voulais.
    – Elles sont toutes pareilles.
    – Celle que je voulais ! insista Archiac.
    Un fumeux, décidément.
    – Va te soigner, Robert, dit Daniel Goussot. Ma fille a un onguent pour les coups que nous nous donnons parfois.
    Tristan posa le marteau sur l’enclume et, croisant les bras :
    – Ne vous avisez jamais plus, messire, de bourder mon écuyer. Sans quoi…
    – Sans quoi ?
    – Je vous malmènerai avec plus d’efficace que Maingot Maubert n’en eut en présence du roi sur le marché de Meaux !
    Le visage d’Archiac passa du rouge au blême. Certes, il n’avait point peur mais il était saisi. Son pénible combat contre un homme mort avant qu’il ne l’eût touché restait dans son esprit comme une espèce d’offense. Et voilà qu’il trouvait sur son chemin un homme qui y avait assisté !
    – J’aurais voulu, continua Tristan, être à la place de Maubert ! Je t’aurais rebroussé le poil !… Et si tu tiens à m’affronter, j’y consens. Je prendrai ton cheval, tu garderas l’étrille.
    Il y eut un rire étouffé : celui de Flourens auquel Goussot donna un coup de coude dans la poitrine. Puis tout fut silence.
    Tristan avait senti le danger prendre forme. C’était un pur hasard que cette rencontre, et cependant, à Meaux, il l’avait souhaitée au moment où il avait vu Archiac, l’arme au poing, avancer péniblement vers Maingot Maubert immobile pour le saigner avantageusement. Il regardait maintenant sans ciller cet homme qui sur le front, le tour des yeux et la banlèvre portait des rides profondes, comme creusées à la pointe d’une alêne. Assurément, Archiac subissait une épreuve : ses complices ordinaires, l’orgueil et l’emportement, se voyaient contrariés, repoussés par la présence d’un chevalier apprécié du roi et certainement du dauphin ; un perturbateur informé de sa force et qui ne s’en souciait pas plus que des trois ou quatre mouches que sa sueur attirait autour de son visage. Il réprouvait cette sorte d’esclandre : d’ordinaire, c’était lui qui se plaisait à les provoquer.
    –  Tu ne sais pas ce que tu cherches !… La mort, tout simplement.
    – Je veux t’étriller un bon coup… Et j’aimerais que Maingot Maubert nous regarde…
    – … et t’assiste !
    – Pas même.
    Une velléité de rire anima la bouche d’Archiac. Tristan put entrevoir dans ses pupilles les braises d’un courroux qui s’enflammait.
    – Aussi vrai, aussi fort que je me nomme Archiac, je ne t’ai point fait de tort, chevalier ! C’est ton écuyer que j’ai meshaigné 14 . Il s’en remettra.
    La voix grondait, frémissante. Tristan se fit des plus doucereux :
    – Mon écuyer faisait
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