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La couronne dans les ténèbres

La couronne dans les ténèbres

Titel: La couronne dans les ténèbres
Autoren: Paul C. Doherty
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jonchée de détritus, puis il partit d’un pas vif, décochant au passage des coups de pied aux chiens et marchant presque sur les poulets qui grattaient frénétiquement le sol. Ils passèrent près des cuisines ouvertes, des écuries et d’une forge où travaillaient des hommes couverts de sueur et au visage noirci par la fumée, et pénétrèrent dans le corps de logis avant de gravir un escalier en pierre plutôt raide. En haut, le capitaine des gardes frappa légèrement à une porte renforcée de ferrures. Une voix douce dit Entrez {3} , et on introduisit Corbett dans une pièce assez petite, mais luxueuse, avec ses tentures de velours et bougran, ses légers braseros odoriférants près des murs et l’herbe fraîche jonchant le sol. Au centre, une jeune femme au maintien royal était assise sur une chaise merveilleusement sculptée et lisait un parchemin posé sur ses genoux. A l’écart, près de l’unique fenêtre, ses dames de compagnie travaillaient ostensiblement à une tapisserie de haute lice.
    Le capitaine mit genou à terre et, à voix basse, présenta Corbett en un français atroce. La jeune femme leva les yeux vers lui, puis dévisagea Corbett. La reine Yolande était belle : son fin visage ovale s’ornait d’un petit nez et de grands yeux sombres ; sa peau était mate ; seule sa bouche impertinente et boudeuse gâchait l’ensemble en lui donnant un air arrogant et capricieux. Sa robe de soie noire, remarqua Corbett, mettait en valeur, plutôt qu’elle ne les dissimulait, ses seins ronds et sa taille fine, et la fourrure de renard argenté aux manches de sa robe attirait le regard sur ses poignets délicats et ses longs doigts blancs couverts de bagues. Elle s’adressa en français au capitaine avant de le congédier et de faire signe à Corbett de s’asseoir sur un petit tabouret en face d’elle. Le clerc se sentait légèrement ridicule et entendit le rire étouffé d’une des dames de compagnie, une rousse plantureuse, vêtue elle aussi de noir, qui se tenait au centre du groupe occupé à la tapisserie.
    La reine, d’un coup d’oeil impérieux, fit taire le rire, puis se mit à questionner Corbett en français. Ce dernier fit des réponses courtoises, mentant diplomatiquement sur les vraies raisons de son arrivée en Écosse et expliquant qu’il venait présenter les condoléances du chancelier d’Angleterre. La reine ne l’interrompit point, mais sembla l’écouter d’une oreille distraite. Corbett mit délicatement la conversation sur la mort de son époux.
    — Quelle tristesse, Madame, dit-il, que le roi ait tenté de voyager par une nuit aussi affreuse !
    Il s’inclina gracieusement vers elle.
    — Cette pensée m’est venue aujourd’hui lorsque j’ai parcouru ce même chemin. Mais je vois que vous portez encore le deuil et que ce sujet vous est particulièrement pénible.
    La veuve du roi haussa simplement ses élégantes épaules.
    — Le roi avait un caractère si impétueux ! dit-elle presque sèchement. Il n’aurait pas dû voyager par un temps pareil. Je pouvais à peine croire le message qu’il m’a fait parvenir ce jour-là, disant qu’il allait venir me rejoindre.
    — Le roi vous a fait savoir qu’il serait ici, cette nuit-là ? reprit Corbett avec hésitation. Quand vous a-t-il envoyé ce message ?
    — En quoi cela vous regarde-t-il ? lança la reine d’une voix tranchante, le regard durci. Un messager a apporté une lettre. Je ne sais pas qui exactement. Je ne m’en souviens que parce que je l’ai brûlée immédiatement, tellement j’étais exaspérée !
    Corbett eut un sourire compréhensif et fit subtilement glisser la conversation sur d’autres sujets. Il avait posé suffisamment de questions, et, bien qu’assez intrigué par l’attitude de la reine, il parvint à dissimuler ses sentiments derrière le masque de la diplomatie. Il se sentait mal à l’aise. Yolande était veuve de roi. D’une certaine manière, la passion de son époux avait provoqué sa mort ; pourtant, c’est du ressentiment, voire de la haine, qu’elle semblait éprouver envers lui. Était-ce là la jeune femme, se demandait Corbett, dont le pouvoir de séduction avait poussé le roi Alexandre III d’Ecosse à risquer sa vie ? Corbett n’aurait su dire exactement pourquoi, mais il percevait un malaise, quelque chose d’indéfinissable, émanant, tel un parfum, de cette belle femme capricieuse.
    Ils continuèrent à converser à bâtons rompus
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