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La couronne dans les ténèbres

La couronne dans les ténèbres

Titel: La couronne dans les ténèbres
Autoren: Paul C. Doherty
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CHAPITRE PREMIER
    Le cavalier força l’allure, enfonçant ses éperons dans les flancs de sa monture jusqu’à y faire apparaître de fines marques rouges. Tête tendue, couvert d’écume des naseaux au garrot, le cheval tenta d’accélérer en chargeant le vent coupant comme si c’était un ennemi. La nuit était des plus sombres et des plus terribles. Le vent hurlait, étouffant presque le fracas assourdissant des vagues au bas de la falaise, mais le cavalier ne se souciait ni des éléments déchaînés, ni du fait qu’il avait apparemment distancé ses compagnons. La lune apparut entre les nuages et l’homme détourna la tête pour se protéger d’une rafale particulièrement violente. Il crut voir des ombres bouger derrière lui sur la falaise, mais mit cette vision sur le compte de la trop bonne chère et du bordeaux rouge sang. Non, il lui fallait à tout prix arriver à Kinghorn où l’attendait Yolande. Ses pensées s’envolèrent vers sa nouvelle reine, cette reine française à la peau mate parfumée, dont la petite silhouette dissimulait les rondeurs sous une profusion de satin, de velours et de dentelle de Bruges et dont le beau visage, encadré de cheveux de jais, aussi noirs que la nuit, évoquait Hélène de Troie. Il la désirait ; une fois écartées protestations et minauderies, la tendresse et la chaleur de ce corps seraient siennes. Peut-être tomberait-elle enceinte, peut-être lui donnerait-elle un fils à lui, un prince à l’Écosse ! Un garçon vigoureux qui porterait la couronne et défendrait le trône contre le cercle des loups et des faucons qui le convoitaient ici et à l’étranger. Il lui fallait à tout prix arriver à Kinghorn ! Sa fougue lui fit éperonner sa monture qui, le coeur près d’éclater, donna courageusement tout ce qu’elle avait et galopa à corps perdu sur le chemin de la falaise. Mais soudain la jument trébucha, bascula sur le côté et roula sur les plaques de schiste du chemin. Le cavalier, projeté vers le ciel noir, tomba dans la nuit, ses doigts griffant l’air tandis qu’il chutait vers les rochers fatidiques et la mort qui l’attendait.
    « Hugh Corbett, clerc, à Robert Burnell, évêque de Bath et de Wells, chancelier d’Angleterre, salut !
    « Mon escorte et moi-même sommes bien arrivés à Edimbourg, sains et saufs, bien que rompus de fatigue après un voyage épuisant. » Corbett reposa la plume bien taillée et se massa les cuisses. En fait, le voyage avait été horrible, pensa-t-il. Accompagné d’une petite escorte, il était parti de Londres à la fin mars et était passé par Newark, Lincoln, Newcastle, Tynemouth et Berwick. Un froid glacial, des vents d’est coupants comme le rasoir, des auberges infestées de puces... Bien rares avaient été les moments de faste dans de confortables prieurés et monastères, où il avait pu se laver et soigner ses chairs blessées par le frottement de la selle. Son serviteur Ranulf, tombé malade, avait dû rester au prieuré de Tynemouth. Quant aux dangers... Corbett se remit à sa lettre : « J’ai l’honneur de signaler à Votre Seigneurie que la législation votée l’année dernière au Parlement rassemblé à Winchester n’est pas respectée. Les abords des routes — grandes et petites — ne sont pas systématiquement dégagés sur une largeur de cent yards ; et nous avons été attaqués par des hors-la-loi à deux reprises, la première fois à la sortie de Newark et la seconde fois près de Tynemouth. C’étaient des rustres armés d’arbalètes, de maillets et de poignards rouilles, et nous les avons mis en fuite. » Corbett se rendit compte qu’il minimisait ces incidents ; la campagne grouillait de bandes armées d’hommes désespérés et sans terre. Et Dieu sait que lui, clerc à la Cour royale de justice, en avait vu de ces hommes jugés, pendus, le corps tressautant au bout d’une corde, la langue pendante, le visage noirâtre et les yeux exorbités — autant d’avertissements à ceux qui voulaient troubler la paix du royaume. Surtout, pensa Corbett, depuis les récentes mesures introduites par le roi Edouard au Parlement de Winchester en 1285, des mesures qui visaient à assurer le maintien de l’ordre et de la loi. Edouard I er d’Angleterre régnait déjà depuis treize ans, mais il veillait toujours à renforcer son autorité dans le moindre recoin de son royaume. Deux ans auparavant, lui et Robert Burnell, son vieux chancelier si perspicace,
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