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La chance du diable

La chance du diable

Titel: La chance du diable
Autoren: Ian Kershaw
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guerre après une déroute, ils continuèrent à hésiter jusqu’au jour où la victoire finale ne fut plus qu’une chimère. Plutôt que de choisir eux-mêmes le moment de frapper, les conjurés l’abandonnèrent à des contingences extérieures sur lesquelles, naturellement, ils n’avaient aucune prise.
    En 1944, lorsqu’ils finirent par passer à l’action, alors que l’invasion occidentale était consolidée et que l’Armée rouge approchait des frontières du Reich, les conjurés eux-mêmes reconnurent qu’ils avaient laissé passer l’occasion d’infléchir le cours de la guerre. L’une des âmes du complot, le général de division Henning von Tresckow, depuis fin 1943 chef d’état-major de la II e armée de la section sud du front est, résumait les choses ainsi   : « Ce n’est plus une affaire d’objectif pratique. Il s’agit de montrer au monde et à l’Histoire que le mouvement allemand de résistance, au risque de sa vie, a osé le coup décisif. Au regard de cela, tout le reste est indifférent.   »
     
     

2   Tâtonnements
     
    Entre l’automne 1939 et le printemps 1941, l’enchaînement stupéfiant des succès militaires avait réduit les perspectives de l’opposition à Hitler. Puis, à la suite de la promulgation de la sinistre loi ordonnant la liquidation des commissaires politiques de l’Armée rouge capturés, c’est le colonel Henning von Tresckow, alors officier d’état-major du feld-maréchal Fedor von Bock au groupe d’armées centre, qui avait contribué à réveiller les idées de résistance parmi un certain nombre d’officiers du front  – dont certains à dessein choisis en raison de leur hostilité au régime.
    Né en 1901, grand, de plus en plus chauve, ce soldat de métier au maintien grave était un fervent défenseur des valeurs prussiennes. Froid et réservé, c’était en même temps une personnalité marquante et énergique, d’une modestie désarmante, mais animé d’une détermination d’airain. Autrefois admirateur de Hitler, Tresckow s’était ensuitemétamorphosé en un critique inflexible des politiques anarchiques et inhumaines du régime. La Gestapo ne s’y trompa pas, qui le présenterait après l’attentat comme, « sans doute, l’un des moteurs et le « mauvais esprit » des cercles putschistes » ; quant à Stauffenberg, il parlait de lui comme son « maître ». Parmi ceux que Tresckow put faire venir au groupe d’armées centre figuraient des alliés proches dans la conspiration naissante contre Hitler : notamment Fabian von Schlabrendorff, de six ans son cadet, qui avait suivi une formation de juriste et devait servir d’agent de liaison entre le groupe centre et d’autres foyers de la conspiration ; et Rudolf Christoph Freiherr von Gersdorff, né en 1905, militaire de carrière déjà très critique à l’égard de Hitler et occupant désormais un poste clé dans la section de renseignements du groupe centre. Toutefois, ils échouèrent dans leurs efforts pour persuader Bock et les autres commandants des deux groupes du front est, Rundstedt et le feld-maréchal Wilhelm Ritter von Leeb, d’affronter Hitler et de refuser ses ordres. Toute perspective d’opposition réaliste depuis le front disparut de nouveau jusqu’à la fin 1942. À cette date, cependant, dans le sillage de la crise de Stalingrad et jugeant Hitler responsable de la ruine certaine de l’Allemagne, Tresckow était désormais prêt à l’assassiner.
    Dans le courant de l’année 1942, divers foyers de l’opposition presque en sommeil en Allemagne même  – dans l’armée comme dans la société civile  – avaient commencé à se réveiller. La sauvagerie de la guerre sur le front est et, à la lumière de la crise de l’hiver 1941-1942, l’ampleur de la calamité vers laquelle Hitler dirigeait l’Allemagne ressuscitèrent l’idée, encore très vague, qu’il fallait faire quelque chose. Ludwig Beck (ancien chef de l’état-major général de l’armée de terre), Cari Gœrdeler (un temps commissaire aux prix du Reich), Johannes Popitz (ministre prussien des Finances) et Ulrich von Hassell (qui avait été ambassadeur d’Allemagne à Rome) — tous liés à la conjuration d’avant la guerre  – se retrouvèrent à Berlin en mars 1942, mais conclurent que les perspectives étaient encore réduites. Il n’en fut pas moins convenu que l’ancien chef d’état-major, Beck, serait le foyer de l’opposition
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