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La chance du diable

La chance du diable

Titel: La chance du diable
Autoren: Ian Kershaw
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conspiration – y compris Cari Gœrdeler, le diplomate Adam von Trott et le pasteur engagé Dietrich Bonhœffer (qui avait officié un certain temps à l’église allemande, dans le sud de Londres) —, la résistance allemande était au fond une gêne aux yeux des chefs de guerre britanniques (et des Américains, qui partageaient leur point de vue). Dans leur optique, le succès d’un coup d’État de l’intérieur était de nature à compromettre l’alliance avec l’Union soviétique – précisément la stratégie que cherchaient à mettre en œuvre les conjurés  – et compliquerait l’instauration d’un nouvel ordre en Allemagne après la guerre. Le critère décisif était de mesurer comment l’action des adversaires de Hitler en Allemagne aiderait les Alliés dans leur effort de guerre. Rédigé un peu plus d’un mois avant l’attentat de Stauffenberg au QG de Hitler, un mémorandum interne du gouvernement britannique apportait une réponse claire   : « Aucune initiative que nous puissions prendre vis-à-vis des groupes ou des individus « dissidents   » allemands, militaires ou civils, n’a la moindre chance de nous aider concrètement dans nos opérations militaires actuelles sur le front ouest.   »
    Bien que disposés à distinguer les dirigeants nazis de la population allemande, les Alliés considéraient à peu près de la même manière Hitler (et ses acolytes) et les chefs militaires issus des traditions prussiennes, qu’ils tenaient pour une cause majeure des deux guerres mondiales. À présent que la guerre tournait inexorablement en leur faveur, les Alliés étaient moins que jamais enclins à céder grand-chose à une opposition intérieure qui, semblait-il, avait beaucoup réclamé sans rien accomplir et qui, de surcroît, envisageait de conserver une partie des gains territoriaux réalisés par Hitler.
    Tel était en effet le cas, certainement pour quelques-uns des membres les plus âgés du groupe national et conservateur réunis autour de Cari Gœrdeler, dont la rupture avec Hitler s’était produite au milieu des années 1930. Gœrdeler et ceux qui se situaient plus ou moins dans son orbite  – notamment Beck, Hassell, Popitz et Jens Jessen, ancien nazi fervent qui enseignait à Berlin les sciences politiques et l’économie  – méprisaient la barbarie du régime nazi. Mais ils étaient aussi désireux de refaire de l’Allemagne une grande puissance et continuaient d’envisager un Reich qui dominerait l’Europe centrale et orientale. Gœrdeler, pressenti pour le poste de chancelier dans un gouvernement post hitlérien, avait envisagé au début de 1942 une « fédération européenne d’États sous la conduite de l’Allemagne d’ici à dix ou vingt ans   » s’il était possible de mettre fin à la guerre et d’instaurer un « système politique raisonnable   ». Dans le courant de l’été 1943, malgré la très nette dégradation de la situation militaire de l’Allemagne, l’incorrigible optimisme de Gœrdeler le conduisit à exposer à nouveau ses objectifs de politique étrangère   : restauration des frontières orientales de 1914 (autrement dit, l’Allemagne conserverait le couloir de Dantzig, reconquis au prix de barbaries sans nom) ; conservation de l’Autriche et du territoire des Sudètes, avec Eupen-Malmédy et le sud du Tyrol (que même Hitler n’avait pas annexé) ; négociations avec la France sur l’Alsace-Lorraine   ; souveraineté absolue de l’Allemagne   ; aucune réparation   ; et union économique en Europe (la Russie exceptée).
    Pour ce qui était de la nature du régime post nazi, les idées des conservateurs nationaux étaient foncièrement oligarchiques et autoritaires. Ils étaient partisans d’une restauration de la monarchie, de droits électoraux limités dans le cadre de communautés autonomes et reposant sur les valeurs familiales chrétiennes – incarnation de la « communauté nationale   » authentique que les nazis avaient corrompue.
    L’irréalisme de Gœrdeler avait des manifestations plus saisissantes encore. Quand on lui suggéra qu’il fallait écarter Hitler de force, il répondit qu’on pourrait le raisonner et le persuader ainsi de démissionner. Son espoir d’un coup d’État sans effusion de sang l’amena à suggérer qu’il pourrait éliminer Hitler dans le cadre d’un débat ouvert si l’armée pouvait lui offrir l’occasion de s’adresser à la Wehrmacht et au peuple. Il
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